Le 13 septembre 1983 mourait subitement Huguette Pirotte.
Dans une classe de CM2 d’une école d’Ivry où je l’accompagnais un jour, pour un entretien à propos du Perroquet d’Américo, un enfant, après bien des questions auxquelles Huguette Pirotte avait répondu avec autant de chaleur que de sérieux, demanda soudain : « Et Christophe Colomb, lui, vous l’avez connu ? » Personne ne rit tant il paraissait évident à chacun qu’elle avait entretenu des relations suivies avec tous les personnages de son toman pour les connaître si intimement.
Cette force de conviction soutenue par une grande probité intellectuelle, Huguette Pirotte la devait à sa double formation d’historienne et de journaliste mise au service de son besoin de partager ses « coups de foudre pour une époque ou un personnage » et ses indignations contre les scandales de notre temps.
Le premier ouvrage qu’elle fait paraître aux Editions Latines, Mémoire d’Aliénor, vise le public des adultes. C’est une biographie d’Aliénor d’Aquitaine, résultat de trois ans de travail. « J »ai tellement aimé ce personnage que, sans l’avoir prémédité, j’ai écrit « je ». Ce sont des mémoires apocryphes ! C’est vous dire combien je suis dans la peau du personnage !
Dans cette veine historique, pour les enfants et pour les jeunes, elle écrit successivement des romans : Le rubis du roi lépreux, histoire de la croisade populaire lancée par Beaudoin IV à travers les aventures d’un jeune garçon ; Le perroquet d’Américo, récit de voyage d’un adolescent portugais à bord de la caravelle d’Americo Vespucci. Puis elle renoue avec les biographies pour Richard Cœur de Lion, Georges Sand et Elisabeth 1ière d’Angleterre qui parait ces jours-ci.
Elle se souvient de ses années de reportage pour démonter le mécanisme de « fabrication » d’une championne dans L’espoir de la Combe Folle, critiquer un certain style de journalistes qui ne répugnent guère à violer la vie privée des gens dans Flash sur un reporter, dénoncer le génocide organisé des Indiens du Brésil dans L’enfer des orchidées ou l’exploitation des indigènes de Nouvelle Guinée dans Cargo des papous.
Huguette Pirotte aimait dire que, quoique n’ayant jamais enseigné, elle avait une fibre pédagogique. Elle se qualifiait elle-même de « VRP de la littérature de jeunesse », n’hésitait jamais à sillonner la France pour, dans les bibliothèques et les écoles, aller à la rencontre de ses lecteurs.
Les observations qu’elle avait pu faire au cours de ses nombreux voyages en Europe, dans le Proche-Orient, en Afrique du Nord et, plus récemment, en Afrique du Sud, lui avait fourni la matère des émissions qu’elle avait produite pour FR3 sous le titre Les enfants d’ailleurs. Ce n’est pas sans émotion qu’on regardera l’une d’entre elles programmée à Noël prochain.
En dix-neuf ans de carrière littéraire, Huhette Pirotte n’a suscité que de la sympathie pour sa personne, pour son œuvre, pour son activité. Elle n’avait que des amis, petits et grands, fort nombreux, qui la regrettent infiniment.
( texte paru dans le n° 22 – 15 février 1984 – du bulletin du CRILJ )
Née à Beaugency (Loiret) en 1924, historienne de formation, Huguette Pirotte fut documentaliste, enseignante, journaliste et productrice à la télévision. Parmi ses ouvrages pour la jeunesse : Le perroquet d’Americo (Bibliothèque de l’Amitié 1968), L’enfer des orchidés (Duculot 1972), Flash sur un reporter (Bibliothèque de l’Amitié 1978). « Par profession et par plaisir, j’ai circulé en Europe, dans le Proche-Orient, en Afrique du Nord, en Amérique du Sud et au Mexique. Le présent ne me fascine pas moins que le passé et je puisse mes sujets aussi volontiers sans l’actualité la plus récente que dans l’histoire. »