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Souffle et performance : les voix de la création
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Plateau lecture est né en 2015 au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, entre deux signatures. Une petite poignée d’illustrateurs, d’illustratrices, auteurs, autrices, qui aimaient porter le livre hors des pages se sont donné rendez-vous sans un sou mais avec passion. L’idée était de nous unir, pour porter plus loin des pratiques et des réflexions qui déjà convergeaient. Nous étions des artistes-auteurs jeunesse, mais aussi, pour certains comédiens, performeurs, plasticiens… Chacun de nous proposait déjà de son coté des lectures protéiformes. Il s’agissait de les mettre en commun pour en faciliter la visibilité, mais aussi et de croiser nos univers pour concocter ensemble des créations « sur un plateau », « à la carte ». .
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Faire vivre le livre d’une autre façon, donner souffle à nos écrits, nos images, rencontrer de nouveaux artistes, relier les publics, c’est ce qui nous motive. La lecture à voix haute permet de réinventer nos ouvrages, parfois même d’en créer d’autres. Elle est inspirante. Elle interpelle le lecteur ainsi fait spectateur. Cette transdisciplinarité nous permet de partager autrement nos livres et nos sensibilités dans une relation plus directe avec le public et les lecteurs.
Un collectif mouvant
Plateau lecture n’est pas une agence, mais un collectif mouvant, vivant. Sa gestion, improvisée sur notre temps libre, ne permet pas encore de l’ouvrir à un trop grand nombre d’artistes. Pour l’instant, c’est d’abord une plateforme (plateaulecture.com) qui réunit les 25 créations/performances de ses neuf membres, toutes jouées en salons du livre, festivals, librairies, médiathèques, caves-poésie, théâtres… Petites formes modulables, performances d’arts croisés ou créations proches du spectacle : lectures dessinées, lectures musicales, lectures avec vidéo, lectures immersives dans une exposition… Il y a autant de manières de créer ces formes nouvelles que d’auteurs et d’artistes associés au projet.
Chaque proposition permet d’inventer comment partager avec originalité le livre ou bien le texte créé pour le spectacle. Plateau lecture aime aussi répondre à des « commandes » inattendues, des créations sur mesure en résonance avec les programmations de manifestations littéraires. La Fête du livre jeunesse de Manosque et Forcalquier nous a ainsi offert une « carte blanche » en 2019, où l’illustratrice Carole Chaix avait réuni des complices du Plateau pour proposer des rencontres en duo, des lectures croisées dessinées, un cabinet de curiosités, une exposition, une fresque participative…
L’accueil de ces propositions vivantes est excellent et la demande est grande. Plateau lecture permet à toutes les structures intéressées d’identifier ces formes nouvelles, ces lectures, performances ou spectacles de manière simplifiée, car aujourd’hui il est compliqué de connaître l’existence même de ces formes pour ces structures.
Un plateau et du public
L’engouement depuis quelques années est fort pour la lecture en public. Une lecture live réinvente les rendez-vous littéraires. Elle est facile d’accès, même quand le texte ne l’est pas, elle invite au partage, au débat, élargit les publics et plaît aux plus jeunes (enfants et ados). Les enjeux de notre collectif sont d’accompagner cette demande, d’y répondre suivant nos envies/possibilités.
Du côté technique, Plateau lecture facilite l’accueil de ces lectures événements en listant les équipements nécessaires : écran, vidéoprojecteur, système de sonorisation, liseuse, caméra, ainsi que les déclarations Sacem ou SACD éventuelles. Ces formes nouvelles rejoignent les exigences techniques du théâtre, mais les auteurs ne sont pas accompagnés de techniciens. L’idéal pour tout le monde est de trouver dans les structures accueillantes du personnel formé pour mettre en place le plateau, caler le son et la lumière, gérer le public, démonter le matériel…
Soutenir le livre hors des pages
Pour créer une lecture, il faut du temps, un lieu, mêler des artistes de différents horizons et territoires. Cela a un coût. Il va falloir inventer ou adapter des lieux de « création ». Certaines bourses ou résidences de création de lectures « événements » existent déjà, comme celle d’ « Arts et Littérature » de Toulouse Métropole, dont ont bénéficié deux créations du Plateau (Les Bisous Volants par Annie Agopian et Régis Lejonc, et Une fille de… par Jo Witek). Mais ces aides sont encore rares, les multiplier nous permettrait d’approfondir notre travail, de porter encore plus loin ces lectures live.
Ces nouvelles formes nous invitent tous à repenser les lieux et la place de la littérature. Au-delà des médiathèques qui en sont le cœur, elles peuvent investir musées, théâtres, salles de cinéma indépendant, auditoriums d’établissements scolaires, universités, festivals de musique, d’arts de la rue… Et créer des synergies entre ces lieux.
Nous partageons ces pistes de réflexion avec les structures régionales pour le livre, les organisateurs de manifestations littéraires. Nous devons trouver de nouveaux réseaux de diffusion et organiser de « petites tournées ». Ces formes hors les pages doivent rayonner sur les territoires. Il est difficile de jouer un spectacle une fois tous les six mois. Multiplier ses représentations sur un même territoire (festivals, réseaux de bibliothèques, communautés de communes…) permettrait d’éviter les one shots. Comme tout spectacle, tout événement culturel, une lecture a un coût : hébergement, transport, paiement des intervenants (Plateau lecture base ses tarifs sur les préconisations du CNL). Une « tournée » permettrait de mutualiser les frais entre les différentes structures d’accueil.
Lire pour partager, rassembler
Ces lectures créatives sont une nouvelle façon de penser la vie du livre. Elles ouvrent des possibilités de partage plus larges de nos œuvres auprès d’un public qui n’est pas forcément lecteur. Porter le livre sur les plateaux nous rassemble.
Ces formes permettent de développer des rémunérations complémentaires qui font sens pour nous, autrices et auteurs. La crise sanitaire a et va encore fragiliser nos métiers comme tous ceux de la création et il est évident que sans une politique publique forte pour la médiation du livre, ces nouvelles formes de rendez-vous littéraires auront du mal à survivre, or elles augurent de beaux lendemains pour porter la littérature haut et fort auprès du plus grand nombre. Tout ce temps passé derrière nos écrans à nous rencontrer en virtuel nous a confortés dans l’idée que la rencontre « en vrai » est essentielle. Les lectures « événements » en prennent d’autant plus de sens. Les auteurs et autrices associés aux artistes qui pratiquent ces formes nouvelles et toutes celles, tous ceux qui ont pu y assister et les découvrir sont convaincus de leur nécessité.
C’est fort de cette conviction que Plateau lecture reste un collectif réactif et engagé pour une lecture partagée pour tous, partout et à voix haute.
par le collectif d’artistes-auteurs Plateau lecture (Annie Agopian, Géraldine Alibeu, Carole Chaix, Guillaume Guéraud, Régis Lejonc, Martin Page, Coline Pierré, Cécile Roumiguière et Jo Witek) ; texte publié dans le dossier « Faire vivre le livre autrement » du numéro 2 (2020) de la revue Tire-Lignes
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Illustration : Carole Chaix.
Merci à Occitanie Livre & Lecture pour ce partage.
Merci aussi à Cécile Roumiguière pour son entremise.
Le dossier complet « Faire vivre le livre autrement » est là.