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Marie-Aude Murail vient d’être distinguée pour son œuvre riche de quelques quatre-vingt dix livres explorant de multiples veines, politique, historique, réaliste ou fantastique. Elle est ici questionnée par Marion Katak, pour Fenêtres sur cours.
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. Vous venez de recevoir le prestigieux prix Hans-Christian Andersen 2022. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Rien ne m’a fait plus plaisir que de m’entendre dire que c’était « mérité » ! Et ça me donne des ailes. Ce qui va être fort utile parce que je dois aller au congrès d’IBBY (1) en Malaisie en septembre pour recevoir une médaille en or à l’effigie d’Andersen, mais oui ! Être traduite a toujours été important pour moi, je voulais que mes livres passent les frontières. Mes visites dans les établissements scolaires à l’étranger m’ont montré qu’on pleure et qu’on rit des mêmes choses où qu’on soit dans le monde. J’ai envie d’écrire un roman qui raconterait l’enfance, l’adolescence et la jeunesse d’une exploratrice pour renouer avec ce rêve de parcourir le monde qui était ma vocation première
. On vous présente comme un écrivain engagé pour la lecture. Êtes-vous d’accord ?
D’accord sur le fait d’être un écrivain : mon travail, c’est de raconter des histoires. Et militante de la lecture aussi, je suis allée sur le terrain dès le début de ma carrière pour rencontrer des collégiens en grande difficulté. J’ai eu le désir d’être l’écrivain de ces non-lecteurs, d’être l’écrivain qu’ils liraient. Puis j’ai eu la chance de rencontrer Christine Thiéblemont, une institutrice de CP, et je me suis dit que l’amour de la lecture, ça se jouait là, au moment de l’apprentissage. Pour amener les livres aux enfants et les enfants aux livres, pendant trois ans, nous avons embarqué les élèves dans une histoire qui est devenue la méthode Bulle chez Bordas. Un roman a suivi cette aventure, Vive la République ! C’est ma déclaration d’amour à l’école.
. Vous avez écrit quatre-vingt-dix livres pour les enfants et les jeunes; Où trouvez-vous l’inspiration pour autant d’histoires ?
Je recycle tout ce que je vis, vois, entends. Je suis tout le temps dédoublée, prenant note, même sans m’en apercevoir, de ce qui se passe autour de moi. Par ailleurs, je me documente énormément. Pour écrire Maïté coiffure, j’ai interrogé ma coiffeuse. Et je lis inlassablement la presse pour voir les sujets qui montent, pour comprendre les phénomènes de société. L’autre source d’inspiration, c’est ma propre vie, ma mémoire. Pour avoir accès à l’adolescent pour qui j’écris, il faut que je garde le contact avec l’ado que j’étais. Enfin, je m’appuie sur ma culture, plutôt classique et livresque, que je confronte à ce monde en mouvement. Je ne cesse de me demander ce que je pense de ce que j’ai sous les yeux. Et mes personnages sont autant de porte-paroles, dont aucun n’a le dernier mot.
. Est-ce que vous vous fixez des limites quand vous écrivez pour les enfants
J’écris pour deux publics. Les plus jeunes sont dans l’apprentissage de la lecture, pour ne pas les perdre, je suis très attentive au lexique, aux références, aux émotions que je peux provoquer. Ce n’est pas de l’autocensure et je n’y mets aucune condescendance adulte, mais c’est une écriture contrôlée. Couper une phrase un peu longue, éclairer un mot difficile par le contexte, travailler en concertation avec l’illustrateur, ce sont des petites choses que l’on peut faire pour aider ces lecteurs débutants. Mon autre public d’adolescents et de jeunes adultes est dans l’apprentissage de la vie, je peux lui parler de tous les sujets en cherchant les mots justes, les mots vrais, je lui rends compte de ce qu’est la condition humaine, mais sans jamais le laisser sur une fin dépressive.
. Quelle est votre relation avec l’école, avec les enseignants ?
Si je n’avais que mon expérience d’écrivain, je dirais que tout va bien ! Je suis invitée par des enseignants impliqués dans des classes motivées par ma venue. En tant que parent, j’ai vu des enfants souffrir à l’école, parfois les miens, avec cette pression évaluative qui détruit le simple désir d’apprendre. Par ailleurs, je vois autour de moi de jeunes enseignants en souffrance qui se posent des questions sur ce que l’institution leur demande. J’en rendrai compte dans la prochaine saison de « Sauveur & Fils » que j’écris avec ma fille, Constance.
Fenêtres sur cours – numéro 482 – mai 2022
(1) International board on books for young people
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Merci à la rédaction de Fenêtres sur cours, revue mensuelle de SNUipp-FSU, pour son autorisation de publication.
Pour lire le numéro de mai 2022 de la revue, c’est ici : https://www.snuipp.fr/publications/fsc_publications/438
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Née dans une famille d’artistes – son père est poète, sa mère journaliste, son frère aîné Tristan, compositeur, son autre frère Lorris et sa sœur Elvire, qui signe Moka, écrivains –, Marie-Aude Murail a fait des études de lettres à La Sorbonne et soutenu une thèse titré Pauvre Robinson ! ou pourquoi et comment on adapte le roman classique au public enfantin. Premiers textes pour les enfants chez Bayard Presse. Succès, à l’école des loisirs, de la série « Émilien » (1989-1993). Variant thèmes et manières d’écrire, Marie-Aude Murail a publié près de cent livres, souvent traduits, dont Le Hollandais sans peine (1989), L’assassin est au collège (1992), Oh Boy ! (2000), Simple (2004), Maïté coiffure (2004), Miss Charity (2008), Trois mille façons de dire je t’aime (2013), tous publiés à l’école des loisirs comme l’épatante série « Malo de Lange ». Auteur, avec son frère Lorris, de la série « Le Golem » (Pocket, 2002). Engagée notamment pour la cause de la lecture, elle a écrit plusieurs essais dont Continue la lecture, on n’aime pas la récré (Calmann-Lévy, 1993) et, avec Patricia Bucheton et Christine Thiéblemont, Bulle, méthode d’apprentissage de la lecture pour le CP qui met au cœur du projet littérature pour la jeunesse et lecture à haute voix. Ne pas omettre les six saisons de « Sauveur & fils » (école des loisirs, 2017-2019)
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