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Un livre de photographies pour Jesse Owens
“Il court ! Depuis qu’il sait marcher, il court. Jesse Owens, athlète afro-américain de légende, remporte quatre fois l’Or aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 alors dirigé par Hitler. Quelle est son histoire ? Un roman illustré par des photos historiques qui retrace le destin hors du commun de Jesse Owens, sa jeunesse dans les États-Unis rongés par la ségrégation et ses exploits aux JO de 1936 à Berlin aux mains des nazis.“
Ainsi est annoncé sur le site de l’éditeur IL COURT ! Jesse Owens, un dieu du stade chez les nazis, nouvel ouvrage qui associe l’illustrateur-carnettiste Bruno Pilorget et l’autrice Cécile Alix.
Rencontre avec un des auteurs de cet ouvrage hybride, à la rencontre du carnet de voyage, du roman illustré, de la biographie.
Est-ce votre premier ouvrage accueillant des images photographiques ?
J’ai publié chez La Boite à bulles un carnet de voyage en 2013, Salaam Palestine ! Carnet de Voyage en Terre d’Humanité, livre qui associe texte, dessins et photos.
Invité en 2008 par le consulat de France à Jérusalem à réaliser des ateliers peinture dans les Territoires Occupés, et bouleversé par ce séjour, j’avais monté un projet pour y retourner. Le festival de carnets de voyages de Clermont-Ferrand et le consulat m’ont aidé. Deux amis, l’autrice Véronique Massenot et le photographe Marc Abel, m’ont accompagné lors de ce second déplacement pour essayer de faire un reportage pour un futur livre. Nous avons trouvé un éditeur et quand nous avons réalisé la maquette, la photo et le dessin de voyage se répondaient très souvent avec le texte pour lien entre nous trois. Ce carnet de voyage-reportage a reçu de nombreux prix et a été très remarqué.
J’ai aussi réalisé des dessins aux cotés de photos pour l’ouvrage Réfugier, chez le même éditeur que Salaam. C’était une commande de l’université Clermont pour parler de migrants qui avaient installé un campement de fortune dans les jardins de la faculté des lettres de l’université à Clermont-Ferrand en 2017. D’autre part, deux de mes albums de la collection “Pont des Arts” chez l’Élan Vert, Les dessins de Claire et Omotou guerrier Masaï ont des photos en fin d’album. Également un livre chez Béluga (Coop Breizh), Papa sauveteur, avec une doc photo en fin d’album sur la SNSM. Et enfin un album chez Rue du Monde, Monsieur Chocolat, le premier clown noir, avec une partie documentaire à la fin de l’album, composé de photos d’époque pour compléter les infos sur cet homme fabuleux, né esclave à Cuba et devenu le plus grand clown à Paris, malgré le racisme de cette époque fin 19ème – début 20ème.
Comment avez-vous été amené à collaborer sur ce projet ?
L’autrice Cécile Alix a été fascinée par l’histoire de Jesse Owens, cet athlète noir américain incroyable, porteur de valeurs pour les plus jeunes : issu d’une famille très pauvre, Jesse a beaucoup travaillé pour devenir le plus grand athlète du monde des années 30, malgré le racisme, et a gagné ses médailles devant un Hitler impuissant et furieux de l’amitié de Jesse avec un de ses champions pendant les JO.
Cécile a proposé son récit sur Jesse aux éditions de L’Élan Vert pour la collection “les carnets de Pont des Arts”. Cécile désirait que j’illustre cette histoire. J’ai déjà réalisé dans cette collection un ouvrage dont l’histoire se déroule dans le Japon d’Hokusai. Mes illustrations sont aux côtés d’une sélection d’estampes du grand artiste.
L’Élan Vert m’a donc proposé ce travail en m’envoyant le manuscrit et la sélection de photos. De mon côté, je me suis bien documenté également avant de commencer les dessins.
Cet ouvrage retrace-t-il toute sa vie ?
Juste une partie, de son enfance jusqu’aux JO de Berlin en 1936. La partie documentaire en fin d’ouvrage raconte la suite de sa vie après les JO, la ségrégation raciale aux USA et ce qu’était être un athlète noir dans les années 1930.
Pourquoi ce format ?
C’est un petit format de 20 x 15, comme un carnet de voyage moleskine avec élastique qu’on glisserait dans un sac à dos. J’adore cette collection qui demande des dessins sous forme d’un mix illustrations littérature jeunesse et dessins de carnet de voyage.
Quelle place pour les images dans les doubles pages ?
Les vingt-quatre illustrations et la quinzaine de photos sont complémentaires. Pour une maquette vivante et actuelle, elles ont été placées en cabochons, en demi page, en trois-quarts, en pleine page, voire même en double-page.
Êtes-vous parti des photographies pour réaliser vos illustrations ?
Il n’existe aucune photo de l’enfance de Jesse. J’ai dû l’imaginer enfant, mais ce n’est pas un problème pour moi de partir d’un personnage adulte pour dessiner la tête de l’enfant qu’il a pu être. Et surtout, j’illustre le formidable texte de Cécile Alix : « … il n’y a pas de chauffage dans le taudis qui sert de logis à sa famille. Deux pièces où s’entassent onze enfants et leurs parents…un abri ouvert à tous les vents et à la vermine”. Pour l’ambiance de l’époque et la suite de sa vie, j’ai visionné beaucoup de photos et de documentaires. Je m’appuie sur cette matière, mais je laisse parler mon imaginaire. J’ai dessiné dans l’esprit carnet de voyage, comme si j’étais aux cotés de Jesse, aux USA dans sa jeunesse et sa progression dans les stades, puis lors de sa traversée de l’Atlantique et enfin pour ses exploits aux JO de Berlin.
Vos illustrations complètent-elles ce que ne dit pas la photographie ? Est-ce qu’elles apportent une ambiance ?
Oui, c’est cela, pour surtout ne pas faire doublon. Techniquement, j’ai utilisé des encres aux couleurs éclatantes qui tranchent avec les photos en noir et blanc. Cette percussion de la couleur, très vive, très dense, rappelle le monde du sport. Et pour évoquer la grâce et la fluidité de ce champion, cette peinture était idéale pour ses transparences, sa fluidité et sa légèreté. Pour compléter ce côté très actuel, la graphiste a prolongé certaines de mes couleurs en légers dégradés sur les photos, et repris parfois une des couleurs de mes encres comme fond pour certaines pages de texte.
Un livre tout en photos aurait été immédiatement classé comme documentaire sur le sport, ce qu’il n’est pas du tout. Alors que là, ce qui fait le charme de cette collection, c’est l’harmonie et le bon équilibre texte, dessins et photographies, qui fonctionnent parfaitement pour toucher un large public à partir de 9 ans. Jusqu’aux adultes. Ce qui fait la spécificité de cette belle collection.
D’où viennent les photographies ?
Cécile a collecté un large choix d’images photographiques pour son projet. Et les éditrices ont pu compléter et faire leur sélection. Peu étaient libres de droit et il a parfois été compliqué de trouver les autorisations. J’ai moi-même pu apporter mon avis sur ce choix de photos pour être encore plus précis sur les épreuves sportives.
propos recueillis par Laurence Le Guen – mai 2022
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Merci à Laurence Le Guen pour ce partage
Autrice d’une thèse de doctorat consacrée aux ouvrages photographiques pour enfants des années 1960 à aujourd’hui, commissaire d’exposition et présidente de l’association Les Amis d’Ergy Landau, Laurence Le Guen est chercheuse associée au laboratoire du Cellam à l’Université de Rennes 2, membre de l’AFRELOCE (Association française de recherche sur les livres et les objets culturels de l’enfance) et de la LPCM (Association internationale des chercheurs en littératures populaires et cultures médiatique), et professeure de lettres dans l’enseignement secondaire. Elle publie régulièrement des articles dans des revues spécialisées, des comptes-rendus d’exposition sur le site Littératures Modes d’emploi. Elle intervient dans des colloques internationaux ayant pour objet la photolittérature de jeunesse. Parution récente, chez MeMo de 150 ans de photolittérature pour les enfants, issu de sa thèse. Laurence Le Guen anime un très riche carnet de recherche, Miniphlit, sur lequel nous avons lu cet entretien. Lien vers le carnet ici.
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Bruno Pilorget est dessinateur autodidacte. Dans son travail, il a, depuis son premier livre, Pièges dans la jungle, chez Gallimard Jeunesse, en 1982, une prédilection pour l’ailleurs, le voyage et les autres cultures. « A chaque nouvel album, j’ai la volonté de raconter avec mes illustrations en essayant de leur donner un sens pour prolonger le texte. J’aime progresser, chercher de nouvelles techniques et aller vers ce que je ne connais pas encore, comme si j’explorais une autre culture, un autre pays, guidé par le voyage de l’histoire et le style de l’écrivain. » Carnettiste, il quitte souvent son atelier breton pour partir en voyage et réaliser sur le vif des carnets remplis de dessins, de peintures et d’anecdotes. Parmi les ouvrages sur lesquels il a mis des images : Les Sages Apalants de Marie-Sabine Roger (Sarbacane, 2008), L’Invisible de Marie Diaz (Belin, 2012), Le Roi Cheval d’Evelyne Brisou Pellen (Millefeuille, 2011), Sœur blanche, sœur noire d’Yves Pinguilly (Rue du Monde, 2011), Au Pays des vents si chauds de Séverine Vidal (L’Élan Vert, 2013). Bruno Pilorget expose régulièrement son travail tant en France qu’en Allemagne, au Québec, en Palestine, en Jordanie, au Vietnam, en Chine ou en Corée. C’est un habitué des rencontres et des ateliers.
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Cécile Alix est auteure pour la jeunesse et conférencière. S’intéressant à la pédagogie sociale, elle intervient auprès de jeunes atteints de troubles cognitifs. Elle enseigne le théâtre et la relaxation auprès des jeunes enfants. Elle est formatrice auprès de futurs enseignants. En parallèle, elle écrit des albums, des contes, des romans, des pièces de théâtre et des bandes dessinées pour les jeunes lecteurs ainsi que des ouvrages pédagogiques. « J’aime contempler alentour, lire, chérir, applaudir, apprendre, partager et dessiner des histoires sur mon clavier. Mon passe-temps favori : semer des graines dans les esprits juvéniles, bien les arroser, puis les regarder pousser. […] J’aime rencontrer mes lecteurs et j’interviens régulièrement en écoles, collèges, bibliothèques. Je propose ateliers d’écriture, ateliers philo, théâtre, lectures animées et conférences jeunesse. » Parmi les nombreux ouvrages pour la jeunesse publiés par Cécile Alix : Oh les loups ! (Paquet, 2013), Les grands personnages de l’histoire (Oskar, 2014), La Mémé du chevalier (Magnard, 2015), Coups de pinceau sur les oiseaux (Élan vert, 2015), Six contre un (Magnard, 2018), les séries « Les émotions de Moune » (Magnard), « 100% ado » (Poulpe). « Raoul pigeon détective » (Casterman Jeunesse).