par André Delobel
Entretien avec Bertil Hessel, directeur des éditions Oskar.
André Delobel : Bertil Hessel, racontez-nous quand et comment vous avez été amené à créer la maison d’édition pour la jeunesse Oskar ?
Bertil Hessel : Oskar Jeunesse, cela commence il y a cinq ans, à Paris, J’étais enseignant et j’ai décidé de continuer ma mission d’éducation en devenant éditeur, c’est-à-dire en poursuivant des objectifs qui me semblaient aujourd’hui essentiels : faire des livres que les enfants apprécient, trouver des histoires qui permettent aux enfants et adolescents de parler avec leurs parents, leurs copains sur des sujets pas forcément faciles, éditer des histoires qui permettent de faire réfléchir à des choses importantes : lutter contre les préjugés, aborder des thèmes qui engagent, etc. Je pense que les trois quarts de la production de notre maison donne à penser, à réfléchir et fait aimer la lecture. C’est le cas pour les auteurs ici présents : Véronique Delamarre dont les livres ont beaucoup de succès et qui a reçu de nombreux prix, Florence Koenig qui a illustré chez nous beaucoup de textes et de contes sur l’Afrique, des livres dans lesquels on découvre l’Afrique et qui contiennent aussi une réflexion sur ce vaste continent.
Comment se fait la rencontre entre éditeur et auteut ? Comment se noue le premier contact ?
Il est bien difficile de convaincre les gens de vous suivre quand on crée une maison d’édition. Une maison d’édition fonctionne beaucoup sur les relations personnelles. Mais, dès le début, j’ai eu la chance de rencontrer des auteurs formidables. Ensuite, comment faire découvrir ces auteurs aux enfants ? Et bien, c’est grâce aux salons comme celui-ci organisés avec ténacité par des équipe bénévole dans de nombreuses villes de province, c’est grâce aux bibliothécaires, grace aux enseignants, aux parents et aux enfants que l’on y rencontre. Ces salons du livre permettent d’apporter les livres jusqu’àux enfants. Le salon de Montreuil, pour moi, ce n’est pas une priorité. Je préfère beaucoup venir dans les salons comme celui-ci où Oskar est invité. L’important, c’est le travail sur les territoires.
Comment se passe le choix des textes que vous éditez ? Sont-ce des commandes ou des textes repérés ?
Cela se passe surtout autour d’un café. Certains auteurs ont des textes déjà écrits, mais, chez nous, beaucoup de textes naissent à partir de discussion. On parle droits civiques, droit à la différence, etc. On se dit qu’il faudrait faire un texte sur ce sujet ou sur celui-ci, en fonction parfois de l’actualité, et quelqu’un s’en charge. Il y a, dans ce cas, une vraie connivence entre auteur et éditeur. C’est ainsi, par exemple, qu’a été écrite par Éric Simard la biographie de Rosa Parks, la femme noire qui refuse de se soumettre.
Est-ce que – je prends aussi un exemple – Je suis un homme : Martin Luther King est un titre qui représente les valeurs auxquelles Oskar est prioritairement attaché ?
En quelque sorte oui, mais je suis aussi fier d’être le premier éditeur jeunesse à avoir publié un livre sur Aimé Césaire, Le nègre indélébile, un livre qui, lui aussi, je pense, donne à réfléchir. Depuis l’an dernier, nous prenons mieux garde à privilégier l’autonomie des enfants dans leur réflexion. Il faut qu’ils se fassent leur propre opinion. Ce n’est pas parce qu’un proverbe est connu de tous que ce qu’il énonce est une vérité ! Nous voulons permettre aux enfants, au travers de leurs lectures, de se forger leurs propres opinions.
Et les romans d’aventure ? Les romans policiers ?
Nous avons aussi, pour ces livres-là, des exigences. Comment dire ? Nous refusons beaucoup de romans qui feraient que les enfants ne soient pas, les ayant lu, plus intelligents.
Qu’espérez-vous pour Oskar pour les prochains mois ou pour les prochaines années ?
Que ce type de salon continue ! Mais nous craignons qu’ici ou là le découragement gagne les bénévoles des associations de promotion du livre qui ont de plus en plus de mal à survivre. Il n’y aurait, alors, plus de relais. Si les gens se mettaient à considèrer les livres comme des cacahuètes et se mettaient à les vendre ou à les acheter comme tel, nous aurions des soucis à nous faire. Mais nous espérons bien exister encore dans dix ans…
Quelques mots de Véronique Delamarre ?
Véronique Delamarre : J’apprécie d’être éditée chez Oskar chez qui j’ai de nombreux titres. J’aime les rencontres avec les lecteurs dans les classes et aussi ce moment où les enfants reviennent me voir sur le salon. Cela me (re)donne de l’énergie pour écrire.
Et vous, Florence Koenig ?
Florence Koenig : Je suis très attachée à Oskar. J’y ai illustré de nombreuses couvertures ainsi que des illustrations intérieures. J’aime voyager en dessinant et je prends beaucoup de plaisir aux rencontres quand je vois les enfants dessiner avec mes propres techniques. Comme Véronique, c’est un grand plaisir quand les rencontres se poursuivent, le lendemain, sur le salon.
( propos recueillis par André Delobel le dimanche 3 avril 2011 lors du Salon du livre pour la jeunesse de Beaugency )
Maître-formateur retraité, André Delobel est, depuis trente ans, secrétaire de la section de l’orléanais du CRILJ et responsable de son centre de ressources. Auteur avec Emmanuel Virton de Travailler avec des écrivains publié en 1995 chez Hachette Education, il a assuré pendant quatorze ans le suivi de la rubrique hebdomadaire « Lire à belles dents » de La République du Centre. Il est, depuis 2009, secrétaire général du CRILJ au plan national.