Le Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse

Grâce à la rencontre du Secrétariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sports et de la Maison de Poésie, le premier Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse a été décerné en octobre 1989.

    Quatre cent vingt deux poètes ont concouru, quatorze manuscrits ont été sélectionnés et le jury, sous la présidence de Claude Roy, a attribué ce prix de 30 000 francs à un poète belge, Pierre Coran, pour son recueil Jaffabules, tout en soulignant également la grande valeur du manuscrit de Marc Alyn, A la belle étoile. La remise du prix a eu lieu à l’Hôtel de Massa, à Paris, le samedi 21 octobre 1989, pendant la Nuit de la Poésie, retransmis par France-Culture.

    Jaffabules sera prochainement édité dans la nouvelle collection de poésie Hachette-Jeunesse.

    Ce Grand Prix attire l’attention sur la vitalité de cette création poétique par le grand nombre des candidats. Mais la sélection sévère, qui s’est opérée dans le plus stricte anonymat, montre que les deux organismes responsables sont soucieux de promouvoir une politique de qualité et d’exigence dans un genre particulièrement difficile.

    Par-delà cette excellente sélection, ce premier Grand Prix consacre l’importance de la poésie dans la littérature de jeunesse. Grâce au travail des enseignants, des bibliothécaires, des animateurs, des critiques, etc, la rencontre des enfants et des adolescents avec la poésie de leur époque est souvent une réalité quotidienne – et l’on sait qu’elle se prolonge tout naturellement par une création personnelle de chaque enfant.

    Par ailleurs, pour beaucoup de poètes contemparains, cette rencontre est une expérience importante, essentielle même, par la qualité d’accueil de ce jeune public qui, en dehors de tout snobisme, est un vrai public, inaccessible aux modes, mais sensible à la seule qualité du texte qui lui communique son émotion.

    Beaucoup de poètes vont aujourd’hui retrouver les enfants dans des classes ou des bibliothèque, pour se ressourcer.

    En cette fin du XXème siècle, enfance et poésie semblent avoir partie liée – mais on sait aussi que la poésie n’a pas d’âge.

    Ce mouvement qui poursuit son cours influencera forcément la poésie des prochaines années et rélèguera sans doute au second plan un hermétisme désuet, au profit d’une poésie plus vaste, plus généreuse, mieux partagée.

    Le grand succès de ce premier Prix le montre bien, puisque des poètes de tous âges, de pays divers, en des styles différents, des « amateurs » inconnus et des « professionnels » célèbres ont participé à ce concours.

    Voulant poursuivre leur aide à cette rencontre de la jeunesse et de la poésie vivante, le Secrétariat d’Etat et la Maison de Poésie ont donc décidé de lancer dès à présent une deuxième édition, celle de 1990, doté d’un prix de 40 000 francs. Le règlement peut en être demandé au Secrétariat à la Jeunesse et aux Sports, 78 rue Olivier de Serres, 75015 Paris.

    Il reste à résoudre le problème de la diffusion de cette poésie vivante. Beaucoup de manuscrits de valeur (en particulier parmi les quatorze sélectionnés) mériteraient d’être édités. Le poésie ne devrait pas être incompatible avec la grande édition moderne.

    La réussite de ce prix montre en tout cas que la poésie pour l’enfance et la jeunesse est un secteur vigoureux de la création contemporaine.

( texte paru dans le n° 37 – 3/1989 – du bulletin du CRILJ )

   jaffabules

D’abord instituteur et professeur, puis écrivain, anthologiste, directeur de collections chez plusieurs éditeurs, Jacques Charpentreau fit beaucoup pour la diffusion de la poésie. Parmi ses nombreux recueils pour jeunes lecteurs : Poèmes d’aujourd’hui pour les enfants de maintenant et Poèmes pour les jeunes du temps présent. Il écrivit aussi, pour les enfants, de nombreux romans (Comment devenir champion de football en mangeant du fromage, La Famille Crie-toujours). Auteur, pour des lecteurs adultes, de poésie, de théâtre, de pamphlets, il est président de La Maison de Poésie. Très attaché au CRILJ, il en fut longtemps l’un des vice-présidents.

   

Mes commentaires

 

 

 

 

 

 Les victimes du système de financement des associations culturelles en France

     Le système de financement des associations culturelles en France est cassé. Et,  avec le Salon du Livre de jeunesse de Montreuil, avec Livres au Trésor, Ricochet risque d’en être l’une des premières victimes marquantes. Et pourtant, la bonne solution, solide, a été trouvée, qui obtient l’appui du gouvernement suisse.

     Le sort de Ricochet est entre les mains de Mme Anne de Pingon, Juge commissaire, du Procureur de la République et de Me François Brucelle, Mandataire judiciaire à Charleville-Mézières. Et le critère du choix du repreneur serait, paraît-il, strictement d’ordre financier, à l’exclusion de tous aspects culturels ou de projet viable !

 Le temps passe, une candidature fantaisiste se déclare

     Les semaines passent malgré les appels lancés au juge par notre défenseur, Me Dominique Tricaud, et une minuscule maison d’édition du nom de Ricochet (déjà usurpé à sa création en 1995) vient de se déclarer intéressée à reprendre le site, du fait simple de porter son nom. Les finances de cette maison d’édition (qui publie péniblement 5-6 titres par an) ne lui permettent clairement pas d’assumer la charge du site. Il est en plus impensable qu’une maison d’édition quelconque reprenne un site ouvert à la production de tous les éditeurs, petits et grands. Ce conflit d’intérêt, fondamental, a été relevé par des éditeurs qui cesseraient alors tout service de presse au site ainsi dévoyé, en particulier Gallimard Jeunesse dont la Présidente, Hedwige Pasquet, menace de saisir le Syndicat National des Editeurs (SNE) de ce litige : sans service de presse de tous les éditeurs de langue française, le site se meurt, puisque notre vaste public vient principalement pour découvrir les critiques des nouveaux ouvrages.

     Il nous a été aussi signifié que seule la somme mise à reprendre le site allait compter, quelle que soit par la suite la viabilité de Ricochet. Il s’agit donc uniquement d’une histoire d’argent : l’Institut suisse, à la demande du liquidateur, a proposé d’acheter le site pour un euro, sachant bien le niveau des sommes à investir dans les années à venir. Mais il faut absolument « réduire la dette ». Or on ne nous dit pas, à ce jour, ce qu’elle peut représenter !

     Il faut bien le dire tout haut : le système de financement des associations culturelles par les deniers publics est bel et bien cassé. Il va falloir complètement changer ce système et recourir exclusivement à des sponsors, à l’américaine : la France n’y pas préparée ! Cela explique clairement un transfert vers la Suisse, où l’Office Fédéral de la Culture et l’Institut Jeunesse et Médias ont reconnu l’intérêt incontesté du site pour la Francophonie, et ont mis à sa disposition de quoi poursuivre et développer ses activités culturelles pour la jeunesse.

     Le financement public français est exsangue. Un point c’est tout. « Le site vaut des millions ! » affirme-t-on. Oui, des millions de visiteurs, mais ne rapporte pas un sou ! Et il faut le faire tourner chaque jour. Ce qui demande un budget annuel conséquent.

 Le sujet : le sens critique des enfants

     Dans une situation de crise financière globale, il paraît indispensable de proposer à nos enfants, et de façon indépendante des circuits commerciaux, des livres qui éveillent leur imagination, leur sens critique aussi, pour qu’ils puissent à leur tour prendre leurs responsabilités.

     Il ne s’agit pas seulement de livres et de lecture, mais de la survie intelligente de la nation.

     Ricochet doit rester un instrument respecté internationalement au service de la Francophonie. Hedwige Pasquet insiste : « Alors que les médias accordent, hélas, de moins en moins de place aux critiques des livres pour la jeunesse, Ricochet prend une importance évidente pour tous ceux qui créent et publient des livres et assurent ainsi le rayonnement de la culture francophone. »

 ( texte envoyé au CRILJ par son signataire le lundi 10 janvier 2010 )

 

  ricochet

 

 Né à à Lausanne en 1941, Étienne Delessert y entame une carrière de graphiste, travaille à Paris de 1962 à 1965 puis part pour New-York. Son premier album, Sans fin la fête, est publiée en 1967 par Harlin-Quist. Suivront Le conte n°1 en 1969 et Le conte n° 2 en 1970 sur des textes d’Eugène Ionesco. Revenu en Suisse en 1971, il ouvre l’atelier de films d’animation Carabosse et imagine le personnage de Yok-Yok. En 1985, il s’installe dans le Connecticut d’où – aujourd’hui auteur et illustrateur de plus de 80 livres – il continue à s’exprimer par l’album, l’affiche, le graphisme, le dessin de presse et la peinture. Il est l’actuel président du CIELJ (Centre International d’Etudes en Littérature pour la Jeunesse).

 

 

 

 

Fernand Bouteille

Un pionnier de la presse jeunesse

     Fernand Bouteille vient de nous quitter au début mai.

     Il avait été le fondateur de Jeunes Années aux Francas et avait multiplié les réalisations pour la presse des jeunes.

     Son action dans l’édition de journaux d’activités et d’activité scientifique a été à la base de l’édition actuelle.

     A « Edicop », l’édition d’ouvrages documentaires a été à l’origine des activités de Pierre Marchand et de ses collaborateurs.

     De nombreux auteurs et illustrateurs de l’édition pour la jeunesse ont fait leurs premiers pas avec lui.

     C’était un homme pour qui le faire était la base de toute action éducative.

 ( texte paru dans le n° 73 – juin 2002 – du bulletin du CRILJ )

Né en 1906 dans un milieu parisien très populaire, Fernand Bouteille rencontre le scoutisme à la Maison pour Tous du cinquième arrondissement de Paris dont il sera plus tard directeur. Collaborateur d’André Lefevre, Commissaire Général des Éclaireurs de France, il occupe des responsabilités à ses côtés tout en conservant son travail d’ouvrier. Pendant la guerre, il est membre du commissariat EDF où il représente à l’origine un courant Sillonniste. Après 1945, il devient journaliste spécialisé dans les questions de jeunesse. Il se rapproche des Francs et Franches Camarades (Francas) et crée en 1952  Jeunes Années, nom qu’il trouva en rêvant à ce « magazine actif » pendant la Résistance.

  jeunes années

« À notre première rencontre, Fernand Bouteuille me demande d’illustrer quelques travaux dits « manuels ». Quelques mois plus tard, il accepte ceux que j’invente. Puis, m’ayant entendu raconter une histoire à mes enfants, il m’encourage à écrire. Et, entre croquetons et contes, rigolades et engueulades, cet animateur-inventeur-éditeur absolument unique passe de Monsieur Bouteille à l’Ami Fernand. D’après lui, un véritable magazine pour jeunes doit être actif, donc se construire, autant que possible, avec ses lecteurs et non pas simplement pour eux. Alors il invente ce qu’il appelle des Équipées : une dizaine de jours pendant lesquels l’équipe du magazine et un groupe de jeunes de 6 à 16 ans vivent et « trouvaillent » ensemble autour d’un thème. Quand je pense à l’invraisemblable mélange de travail et de fantaisie débridée que Fernand Bouteille encourageait chez ses collaborateurs de tout âge, je m’aperçois que le temps passé auprès de lui correspond assez bien au titre d’un grand film de l’après-guerre réalisé par William Wyler : Les Plus belles années de notre vie. » (Béatrice Tanaka)

En revenant des Journées mondiales de l’écrivain de Nice, en octobre 1983 …

L’écrivain

     L’écrivain pour la jeunesse est d’abord un écrivain. Cependant, le fait qu’il envoie son manuscrit à une maison d’édition pour la jeunesse semble indiquer qu’il a choisi de s’adresser prioritairement aux enfants et aux jeunes. Dans le cas d’un envoi à certains éditeurs, on peut même préciser qu’il cherche à atteindre un  très jeune public.

     Les écrivains et surtout les critiques présents à Nice ont manifesté une totale méconnaissance et parfois un véritable mépris pour les livres pour la jeunesse et leurs auteurs. La légitimité de ce type d’œuvres s’est trouvée ainsi posée, en même temps que le problème du statut de l’enfant dans notre société, dont 30 % seulement des citoyens sont de vrais lecteurs.

     Qu’est-ce qui justifie le dédain des écrivains tous publics pour leurs confrères auteurs d’ouvrages pour la jeunesse ? La question mérite d’autant d’être posée que bon nombre de ces écrivains se sont essayés à écrire pour la jeunesse, soit de leur propre chef, soit sollicités par des éditeurs soucieux de s’attacher des noms connus, et que leurs essais sont rarement des coups de maître.

     Il y a nécessité d’amener les adultes – écrivains, critiques mais aussi simples particuliers ayant en charge la culture des enfants – à lire des livres pour enfants.

     L’écrivain pour la jeunesse a de nombreuses occasions de rencontrer ses lecteurs. Il accomplit ainsi un certain travail social, de plus en plus souvent rémunéré et participe à la création d’une contre-culture avec les enfants. L’écrivain pour la jeunesse peut et doit rencontrer son public pour avoir un feed back, mais ce ne peut être, en aucun cas, son but premier.

 Les œuvres

     Les livres pour la jeunesse, plus intentionnels, plus didactiques que les livres pour adultes, sont trop souvent jugés sur le message et pas assez sur l’écriture.

     La lecture de la production incline à penser que bien des tabous sont tombés. Cependant, la question de l’éditeur ainsi formulée : « Etes-vous sûrs que ça s’adresse à des enfants ? » est une forme de censure car elle vise, en fait, à écarter la politique et le social comme ne s’adressant pas à des enfants.

     On admet qu’un auteur peut n’être pas le meilleur juge de son œuvre et qu’il peut y avoir concertation et même collaboration entre l’auteur et le directeur littéraire de la maison d’édition.

     On constate que les créations sont en augmentation mais que le tirage est de plus en plus limité. Ce qui pose le problème du prix des livres jugés trop élevés.

     Les auteurs se plaignent d’être peu informés en ce qui concerne la diffusion de leurs livres à l’étranger. Ils devraient savoir si leur éditeur publient des catalogues et des fiches sur les livres en plusieurs langues. Ils s’insurgent d’entendre que les livres français seraient ressentis par les étrangers comme « trop sophistiqués, trop compliqués, trop intellectuels et sans humour. »

 La lecture

     Malgré les enquêtes menées et qui toutes concluent à une trop grande part de non-lecteurs en France, on peut affirmer que les besoins culturels des enfants ne sont pas pris en compte. Ils sont évalués au niveau de « la pause-tartine » …

    Le peu de considération manifeste aux auteurs de livres pour la jeunesse empêche une véritable action pour faire lire. L’absence de chroniques régulières dans les grands médias témoignent aussi du désintérêt que les adultes détenteurs d’un certain pouvoir portent à la lecture des enfants.

 Les lecteurs 

     L’écrivain pour la jeunesse est le seul à qui l’on pose la question de ce que le public, son public, va penser de sa production. Lui demander de recueillir les avis des enfants, avant d’écrire, n’a pas de sens. Ceux-ci sont des êtres en devenir, en voie de formation. Ils doivent pouvoir trouver, dans la production diverse et multiple dont il faut les informer, des livres qui répondent à leurs demandes, à leurs besoins, à leurs aspirations, à leurs désirs, écrits par des créateurs authentiques. 

( article  paru dans le n° 22 – février 1984 – du bulletin du CRILJ )

   finifter

Née à Varsovie en 1923, après des études secondaires interrompues par la guerre, après des universités d’été et des séminaires pendant lesquels elle fréquente Georges Jean et Marc Soriano, Germaine Finifter rencontre Natha Caputo en 1954. Elle lui doit ses premiers travaux critiques dans Heures Claires. Elle fonde en 1960 la revue Livres Services Jeunesse en collaboration avec les enseignants et les parents de l’école Decroly de Saint-Mandé. Intervenante passionnée dans de nombreux stages ou colloques, directrice de collection chez  Nathan et chez Syros, elle écrira plusieurs ouvrages à caractère documentaire. Très active au sein du CRILJ, elle participera également, avec Christian Grenier, Béatrice Tanaka, Rolande Causse, Robert Bigot et quelques autres, à la rédaction du manifeste fondateur de la Charte des Auteurs et Illustrateurs pour la Jeunesse. Disparu de façon tragique en août 1996 alors qu’en compagnie d’Aline Roméas, autre pionnière de la littérature de jeunesse, elle se rendait chez un écrivain.

Autour du CRILJ, une naissance, une disparition

Naissance du centre Robinson

     La part grandissante occupée par la littérature de jeunesse dans le secteur de l’édition exerce sans doute son effet sur la manière dont les « prescripteurs » pensent leur action. Certes, il demeure chez beaucoup une âme militante, mais l’heure n’est plus au combat, en tout cas plus le même, et il s’agirait plutôt de gérer convenablement une victoire, même si cette dernière reste fragile et surtout inégalitaire. Les rôles évoluent, et les certitudes laissent place, ou devraient laisser place, à davantage de prudence et de souplesse. C’est peut-être ce qui justifie le mieux la « recherche », non pas une démarche arrogante s’avançant au nom de son expertise, mais un effort toujours renouvelé pour mieux comprendre ce qui est et ce qui a été. Ce dernier point est essentiel, car nous sommes dans un secteur qui vit sur deux modes absolument contradictoires, d’une part l’exploitation jusqu’à la corde de textes ou de thèmes toujours ressassés, d’autre part l’illusion de savoir enfin ce que serait l’enfance véritable et la célébration d’une non moins « vraie » littérature de jeunesse.

     D’autres considérations, moins réjouissantes, permettent d’expliquer le déclin du militantisme. Elles ont pesé sur le fonctionnement du site parisien du CRILJ et sur la décision de le fermer (1). Aujourd’hui, les livres et les archives qu’il abritait sont en cours d’installation dans de vastes locaux du site IUFM d’Arras, devenu école interne de l’université d’Artois. Le centre Robinson, ainsi nommé par symétrie avec les Cahiers Robinson créés en 1997, est conçu à la fois comme un lieu de recherche et un espace de documentation destiné à s’enrichir par d’autres collections et ouvert à toute personne intéressée par ces questions. Le CRILJ, pour sa part, a maintenu ses activités dans plusieurs régions, a ouvert un site, Le site du CRILJ, et a lancé une parution annuelle, Les Cahiers du CRILJ, dont le premier numéro pose la question Peut-on tout dire (et tout montrer) dans les livres pour la jeunesse ? André Delobel, son nouveau secrétaire général, diffuse également un intéressant Courrier du CRILJ/orléanais, qui rassemble régulièrement des annonces et coupures de presse. Le CRILJ est associé au centre Robinson, qui se donne pour objet non seulement la littérature de jeunesse dans son acception la plus « légitime », mais toutes les sortes de publications, qu’il s’agisse de la presse, du cinéma ou encore de la radio, sur laquelle un projet est en cours d’élaboration.

     L’histoire et la critique des livres pour l’enfance connaissent un essor sans précédent, marqué entre autres par le nouveau statut de La Joie par les livres, par la création de la revue en ligne Strenae de l’AFRELOCE, par le lancement prochain de la série « Écritures jeunesse » chez Minard, sous la direction de Christian Chelebourg, etc. En ce qui concerne le centre Robinson, issu d’un centre de recherche à dominante littéraire, sa coopération avec le CRILJ lui permet d’ajouter un volet concernant les politiques et les actions en faveur de la lecture. Cette dimension peut ainsi être travaillée en synchronie, d’autant que la plupart des  membres de ce centre ont pour charge la formation professionnelle des enseignants, mais aussi en diachronie : un séminaire est actuellement en cours d’organisation autour des « Grands témoins de la recherche et de la promotion des publications pour la jeunesse ». Cet intitulé suffisamment large ne restreint pas le domaine aux seules recherches universitaires mais fait place aux activités militantes, éditoriales, journalistiques, etc.

     Ce séminaire, qui se tiendra plusieurs vendredis de l’année universitaire, aura pour première invitée, le 3 décembre 2010, Janine Despinette. Son témoignage devrait être d’un grand intérêt car son parcours déborde largement la seule question de la littérature de jeunesse pour toucher aux questions de l’action culturelle depuis la période de la guerre : son époux, Jean-Marie Despinette, ayant lui-même eu une action importante chez les Compagnons de France, dans l’Office franco-allemand pour la jeunesse, etc. Janine Despinette est sans doute plus reconnue à l’étranger qu’en France, et son intervention portera le titre suivant : « Janine Despinette : un itinéraire de passeur dans le cadre européen ».

     Ce séminaire devrait également s’intéresser à la période comprise entre la fin de la première guerre mondiale, qui a vu l’essor du pacifisme et de l’ouvriérisme ainsi qu’une nouvelle approche de l’enfance, et la fin des années 60, marquée par l’effondrement brutal de ce modèle, auquel le CRILJ, par l’intermédiaire de ses responsables les plus anciens, est resté plus ou moins rattaché.

Décès de Jacqueline Dubois

     C’est dans ces circonstances que le décès de Jacqueline Dubois, un(e) de ces grands témoins, prend une signification particulière. Si l’on connaît assez bien son nom, c’est toujours associé à celui de son époux, Raoul Dubois, rencontré en 1945 dans une manifestation de défense de l’école laïque sur les marches de la Mutualité et avec lequel elle aura signé de nombreux ouvrages et articles. Il est assez difficile d’en savoir plus à son sujet, d’autant que les sites marchands mais aussi le catalogue de la Bnf mélangent allégrement ses ouvrages avec ceux d’une autre Jacqueline Dubois, une ancienne journaliste qui a écrit Le Petit Octobre et Le Gué du Ciel : mes années chinoises, et lui attribuent l’année de naissance de cette dernière.

     Notre Jacqueline Dubois est née le 16 janvier 1924 à Jalèches dans la Creuse, apparemment un peu par hasard puisque sa mère, Maximilienne Murgier, a toujours été Parisienne. Jacqueline n’a jamais connu l’identité de son père, et son nom de jeune fille, Szinetar, est celui de son beau-père, d’origine hongroise, qui l’a reconnue. Maximilienne Murgier était une institutrice très engagée dans le parti communiste, comme le sera sa fille, elle-même institutrice puis directrice d’école maternelle dans le quartier de la rue des Pyrénées, où elle vécut longtemps avec son mari (elle s’est retirée à L’Absie, dans la Vendée natale de ce dernier, après sa mort en 2004, d’abord dans la maison de famille puis en maison de retraite). Dans ce couple fusionnel, les activités étaient totalement partagées, et avec Raoul elle milita également à Ciné-Jeunes (2), aux Francas (3) – comité de rédaction de Jeunes Années, rédaction de Une Année de Lecture, supplément à Camaraderie -, au mouvement d’enfants Copain du Monde du Secours Populaire Français, ainsi qu’au CRILJ (Centre de recherche et d’information sur la littérature de jeunesse), dont elle aura été la première trésorière en 1963, alors que celui-ci était hébergé par l’IPN (Institut pédagogique national), ancêtre de l’actuel INRP (Institut national de recherche pédagogique). Mathilde Leriche en était la présidente, Natha Caputo et Marc Soriano les vice-présidents. 1963, année importante puisqu’elle voit aussi la naissance de La Joie par les livres. Année qui nous paraît désormais lointaine, et la mort de Jacqueline Dubois, pour certains de ses contemporains, marque la fin d’une époque où l’éducation et la culture populaires étaient des valeurs portées par une poignée d’humanistes, humanistes dont les convictions purent cependant prendre une allure quelquefois redoutable (4).

     Cette culture passait par les livres, mais aussi par la presse ou le cinéma, auquel les Dubois apportèrent beaucoup d’attention. Les anciens se souviennent avec émotion de leur petit appartement, au 6ième étage sans ascenseur, rue des Pyrénées, où se préparait notamment l’édition annuelle de Une année de lecture. À leur actif, la rédaction de plus de 25 000 fiches critiques de livres pour enfants de 1950 à 2000. On leur doit aussi des enquêtes, La Presse enfantine française, vue d’ensemble, bibliographie critique (Éditions des Francs et franches camarades, Cofremca/Savoir-livre, 1957), Journaux et Illustrés (Gamma, 1971), et Votre enfant deviendra-t-il lecteur ?, une étude Cofremca/Savoir livre commentée par Jacqueline et Raoul Dubois et Michèle Kahn (1992). Il existe également un ouvrage inédit, Littérature buissonnière, un recueil d’études de 350 pages sous forme de tapuscrit, consultable au Centre Robinson, et dont un des textes, « Le roman scolaire est-il dépassé ? » (conférence donnée à Tarbes en 1987) sera publié dans le n°29 (premier semestre 2011) des Cahiers Robinson consacré au roman scolaire.

     Sous son seul nom, Jacqueline Dubois a publié en 1965 L‘Hiver arrive, adapté du Polonais d’Helena Bechler et, en 1969, Au balcon de Sylvain, également adapté du Polonais de Anna Pogonowska, tous deux parus aux Éditions la Farandole dans la collection « Mille couleurs », où l’on retrouve d’autres membres du CRILJ, Isabelle Jan, Nata Caputo, Colette Vivier, qui reçoit à cette occasion en 1972 une mention du Prix international H.C. Andersen. À cette époque, La Farandole a des accords avec les éditeurs d’État de l’URSS mais aussi de la RDA, de la Tchécoslovaquie ou de la Pologne, où sont produits les livres de cette collection créée en 1963 et adressée aux enfants de 3 à 6 ans.

     Ce grand témoin ne pourra donc plus venir nous exposer son itinéraire, mais nul doute que son nom se retrouvera dans les travaux à venir, tant sur le militantisme culturel que sur l’histoire de l’édition pour la jeunesse, où La Farandole méritera une attention particulière.

 ( article initialement publié dans le numéro 254 de septembre 2010 de La Revue des Livres pour Enfants. Merci à Francis Marcoin et à Annick Lorrant-Jolly pour leur autorisation )

 (1) Lire Réflexions sur la vie, le « devenir hypothétique » ou la disparition des associations culturelles, sans nostalgie mais pour mémoire, dans la page magazine du site Ricochet-jeunes.org

 (2) Un cousin de Jacqueline Dubois a reçu en dépôt un nombre important de fiches critiques portant sur des films.

 (3) Sur les Francs et Franches Camarades, voir Noëlle Monin, Le mouvement des Francs et Franches Camarades (FFC) : de l’animation des loisirs des jeunes à la participation au écoles ouvertes, Revue française de pédagogie n° 118, INRP, Paris, 1997, p. 81-94.

 (4) Voir Bernard Joubert, Dictionnaire des livres et journaux interdits, éditions du Cercle de la Librairie, 2007.

     cahiers robinson

Professeur de littérature française à l’UFR Lettres et Arts de l’université d’Artois (Arras), Francis Marcoin est spécialiste en histoire et critique de la littérature de jeunesse. Ses recherches portent sur l’école, la lecture, les manières de critiquer aussi que sur le roman des XIXe et XXesiècles. Membre de l’équipe de direction de l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) en 2006-2007, il participa, de 2001 à 2007, aux travaux de l’Observatoire National de la Lecture (ONL). Créant en 1994, à Arras, le centre de recherche « Imaginaire et didactique » (CRELID), il le dirigera jusqu’en 2006. Il est  directeur de publication des Cahiers Robinson qui « explorent, sans s’y limiter ni s’y enfermer, le domaine de la littérature de jeunesse, des lectures, des récits et des activités de l’enfant. » Parmi ses ouvrages : A l’école de la littérature (Editions Ouvrières, 1992), Librairie de jeunesse et littérature industrielle au XIX° siècle (Champion, 2006), La Littérature de jeunesse (avec Christian Chelebourg, Armand Colin, 2007). Francis Marcoin est président de la Société des amis d’Hector Malot.

Tove Jansson

 .

par Monique Hennequin

     Après Gabrielle Vincent (1) et Eléonore Schmid, la littérature de jeunesse a perdu un de ses grands auteurs, Tove Jansson, créateur des Moumines.

     En France, son oeuvre a été traduite par Kersti et Pierre Chaplet et publié dès 1969 par les éditions Nathan dans la très belle collection dirigée par Isabelle Jan, la Bibliothèque Internationale. Les enfants français ont pu ainsi découvrir, à travers le personnage de Moumine, l’univers des trolls.

     Tove Jansson, parmi d’autres prix, avait obtenu en 1966, pour l’ensemble de son œuvre, le Prix Hans Christian Andersen.

     Plusieurs titres ont été réédités récemment par les éditions Pocket : Moumine le troll, L’été dramatique de Moumine, Un hiver dans la vallée de Moumine.

 ( texte paru dans le n° 71 – novembre 2001 – du bulletin du CRILJ )

  (1) à qui personne ne rendit hommage dans la revue du CRILJ.

   moumine

Née à Helsinki le 9 août 1914 et décédée le 27 juin 2001, Tove Jansson est femme de lettres, illustratrice et peintre finlandaise. Fille du sculpteur Viktor Jansson, suédophone de Finlande, et de l’illustratrice suédoise Signe Hammersten, elle étudia à la faculté d’art de Stockholm et devint peintre. Lors de la Seconde Guerre mondiale, pensant aux enfants qui rêvaient de s’évader, elle inventa le pays des Moumines. Elle n’écrivait pas en finnois mais en suédois de Finlande. Elle travailla pour la presse avec l’aide de son frère Lars Jansson, dessinateur de bandes dessinées. Elle vécut pendant la majeure partie de sa vie avec l’artiste plasticienne Tuulikki Pietilä. « C’est sans conteste par la traduction des onze volumes de la saga de la famille Moumine que les enfants des pays latins peuvent comprendre un peu mieux la place des trolls dans l’imaginaire collectif des peuples scandinaves, c’est-à-dire la place de tout ce qui est vivant dans une nature impressionnante où l’homme et l’enfance savent qu’ils ne sont pas véritablement les maîtres. » L’œuvre de Tove Jansson culmine certainement avec Papa Moumine et la mer, méditation mélancolique sur la solitude, où ses personnages de prédilection atteignent une gravité inhabituelle.

Pour en finir avec une idée fausse

  

     Une idée fausse qui peut vous coûter cher et on me pardonnera, j’espère, d’aborder un sujet aussi prosaïque.

     Nombre d’associations – et les divers CRILJ ne font pas exception – croient que les associations sous le régime de la loi de 1901 n’ont pas le droit de faire des bénéfices. Cette croyance limite considérablement leur action puisque les animations, formations et prestations de tous ordres sont réalisées au tarif les plus bas, quant elles ne sont pas carrément gratuites.

    Sachez que la loi n’interdit pas les bénéfices. Elle interdit le partage ou leur attribution aux membres de l’association. Les bénéfices engendrés par le produit d’une prestation de service, d’une vente, d’une location, d’abonnements, etc, doivent permettre le développement de l’association, son autofinancement.

    Naturellement, il ne s’agit pas de se lancer dans un commerce effréné qui n’aurait plus rien à voir avec l’objet de l’associaiton, auquel cas celle-ci devrait alors adopter un autre statut. La loi distingue d’ailleurs ce qui relève de l’activité normale de l’association ou d’opérations plus exceptionnelles. Je ne pense pas que les CRILJ soit dans ce cas de figure.

    Alors, je vous en conjure, faites payer vos interventions au juste prix sans oublier, bien sûr, que nous oeuvrons avec le souci du service public et dans un esprit d’éducation populaire. Mais, rien n’est gratuit, le travail et la compétence se paient.

    Une dernière précision : une association peut rembourser à ses membres des frais, de déplacement par exemple, engendrés par une intervention, sur présentation d’un justificatif de dépense.

    Alors, une fois pour toutes, faites savoir autour de vous ce que signifie réellement « à but non lucrarif » et … développez vous !

 ( article paru dans le n° 89 – mars 2007 – du bulletin du CRILJ )

denise

 

 

 

Inspectrice principale du Ministère de la Jeunesse et des Sports, Denise Barriolade a essentiellement œuvré dans le secteur ‘jeunesse et éducation populaire’. Après sept ans dans le Val-de-Marne, elle est conseillère technique au cabinet d’Edwige Avice puis d’Alain Calmat où elle gère notamment les projets de l’Année internationale de la jeunesse. Après un passage éclair à l’Institut National d’Education Populaire durant lequel elle met en place le Rayon vert, observatoire du livre scientifique et technique pour la jeunesse, elle passe quatre ans à Eurocréation où elle crée le réseau des Pépinières européennes pour jeunes artistes. Elle anime, entre 1986 et le début des années 90, le groupement d’intérêt scientifique PROMOLEJ (Promotion de la Littérature des Jeunes). Exerçant dix ans à la direction de la jeunesse, Denise Barriolade apporte un soutien important aux pratiques culturelles et artistiques (festivals de cinéma, théâtre et musique, stages de réalisation, etc). Elle gère le Prix de la jeunesse au festival de Cannes et les Prix littéraires du Ministère de la Jeunesse et des Sports dont le CRILJ fut prestataire de service. Après près de cinq ans à l’Organisation Internationale de la Francophonie où elle se consacre principalement aux politiques de jeunesse dans les pays d’Europe centrale et orientale, elle rejoint le ministère avant de prendre sa retraite et de se consacrer, entre autres choses, au CRILJ dont elle est l’actuelle présidente.

Rideau !

 

 

 

 

 

Rideau !

 par Véronique Soulé

     Après 22 ans au service de la lecture publique en Seine-Saint-Denis et du développement de la littérature jeunesse, Livres au trésor cesse ses activités à la fin de ce mois.

      En effet, le Conseil général du 93, principal financeur (à 70%) du fonctionnement n’est pas revenu sur sa décision de supprimer sa subvention versée à la ville de Bobigny. Celle-ci s’est donc vue contrainte de fermer Livres au trésor.

     Livres au trésor, c’était :

 – un centre de ressources, riche de 80000 ouvrages et revues pour enfants et/ou spécialisés, ouvert à tous, avec un accompagnement personnalisé.

 – un lieu de rencontres, de formation, d’échanges, pour tous les professionnels du livre ou de l’enfance sur le département, avec en particulier de nombreux comités de lecture et journées d’étude.

 – la publication d’outils professionnels (sélection annuelle de nouveautés, sélection de CD, etc), diffusés gratuitement dans les collèges, écoles, lieux petite enfance du département et au-delà.

 – un site internet riche de nombreuses références et informations

    Un certain nombre de nos publication sont encore disponibles. Si vous souhaitez les recevoir, merci de nous envoyer un courrier avant le 31 janvier 2011 :

 – Sélections annuelles (2009, 2008, 2007, 2006, 2005, 2004, 2003)

Chansons au trésor (2009)

– Plaquette Des prinçusses et des grands frères. Ingéniosité et inventivité de la littérature norvégienne pour la jeunesse (2008)

– Sélections de sites internet pour la jeunesse Des Clics 1(2008) et Des clics 2 (2009)

    Vous trouverez la description de ces publications sur le site qui va également fermer.   

    L’équipe de Livres au trésor remercie celles et ceux qui lui ont accordé leur confiance au fil de ces années. 

    livres au trésor

Bibliothécaire, responsable de Livres au Trésor, Véronique Soulé est également réalisatrice et animatrice, sur la radio associative non-commerciale Radio Aligre FM, de Ecoute ! Il y a un éléphant dans le jardin, magazine hebdomadaire consacré à l’actualité culturelle des enfants. Chaque mercredi, de 10 à 12 heures. Pour contacter Véronique Soulé, c’est ici.

 

 

 

 

Jean-Claude Marol

      On ne rencontrera plus dans les allées des salons le sourire et la gentillesse de Jean-Claude Marol, illustrateur, humoriste, écrivain, poète, conteur, concepteur, homme de théâtre, qui avait su garder un regard d’enfance.

     D’abord architecte, il s’est transformé en bulle et s’est posé dans de nombreux magazines (Pilote, L’Echo des Savanes, Paris Match, L’Evènement du Jeudi, Panorama, les magazines de Bayard-Presse) et ses premiers livres d’humour se sont retrouvés chez Gallimard comme Vagabul et ses personnages sur FR3.

     Pour son album Exils paru aux éditions Axel Noël, Régine Pernoud disait : « J’ai vivement apprécié votre conte plein de fraicheur et d’humour dénotant une connaissance approfondie de cet héritage médiéval que visiblement vous aimez autant que moi. »

     A propos de Vagabond (Gallimard, 1982) :

 – « Il est inimitable, Marol, dans ce mélange de naïveté tendre et d’impayable dureté. » (Bayard Presse)

– « Marol, avec ses petits personnages fantomatiques, bougons et obstinés et ses décors vides, nous emmène dans l’imaginaire le plus poétique. » (Les Nouvelles Littéraires)

     A propos de Pli urgent (L’originel, 1985) :

 – « Marol ramène les mots d’amour à leurs résonances premières, enfantines. A leur évidence poétique. » (Le Monde)

– « Quoi de plus urgent qu’une lettre d’amour ? Marol s’adresse à tous ceux qui aiment, à tous ceux qui s’aiment, et qui l’aimeront sîrement. » (Télérama)

     A propos de Feudou dragon secret (Ipomée, 1983) :

 – « Un conte moderne écrit de façon limpide et avec un certain humour. » (Odile Berthémy, Les Nouvelles Littéraires)

 ( article paru dans le n°71 – novembre 2001 – du bulletin du CRILJ )

« Dimanche 14 octobre 2001, sur un quai de Seine, nous sommes une trentaine à rendre un dernier hommage à notre ami Jean-Claude Marol, récemment disparu. Le vent, la bruine, les feuilles dorées de l’automne, le chant sans âge de deux musiciens, les cloches de Notre-Dame qui font vibrer les voûtes du ciel, les fleurs jetées à l’eau longeant lentement chacun d’entre nous avant de disparaître dans le vif du courant… Difficile en cet instant de délimiter clairement la frontière entre ombre et lumière, tristesse et joie. Nous sommes sur le fil. À égale distance de la déchirure et du bonheur. » (Thierry Cazals)

   jean-claude marol

 « Un jour, j’étais attendu dans une classe. Malheureusement, mon intervention (demandée par la direction) avait dû irriter l’instituteur : quand je suis arrivé, une interrogation écrite avait été prévue. On me faisait comprendre que j’étais de trop. J’aurais pu repartir. Quasiment sans réfléchir, j’ai dit aux enfants : “Écoutez, j’ai une idée. On va bien faire une interro écrite, mais vous allez vous poser des questions sur vous-mêmes, aussi impertinentes qu’elles soient.” C’est allé très vite. En dix secondes tout a échappé à l’instit’. Les gosses m’ont regardé avec cette sorte de vitalité, prête à tous les coups, qu’ont les onze, douze ans. Le résultat fut époustouflant. Contrairement à d’autres fois, ils n’ont pas posé de questions sur le sexe, mais des questions sur Dieu ou sur la mort. En un instant, on a assisté à un fantastique retournement, passant d’une interrogation qui crée le barrage à une totale ouverture. Alors, j’ai accéléré le mouvement. J’ai dit : “Dans dix minutes, je ramasse les copies ! Vite, vite !” Recréer l’urgence. Dans cette urgence, on n’a pas le temps de tricher, de faire semblant. Il faut aller vite. Ils ont en face d’eux un adulte pressé, qui fait face, qui est dangereux, tendrement dangereux. Il faut y aller. C’est une colère. »

En revenant de la foire

     Pour cette Foire 2008, quelques 6000 professionnels de l’édition, livres et multimédia pour l’enfance et la jeunesse dont 4701 professionnels non italiens en provenance de 43 pays se sont retouvés à Bologne « sous le signe du business et du commence pour faire un tour d’horizon sur les nouvelles tendances du produit et échanger des droits d’auteurs. »

     Le Centre des agents littéraires est devenu le lieu privilégié des rencontres. Le Centre des traducteurs, acteurs essentiels pour la circulation du produit, revèle la création d’une base de données réunissant les traducteurs du monde entier, la Word Directory of Children’s Books Translators.

     Et les créateurs de livres – les poètes, les écrivains, les illustrateurs, les éditeurs concepteurs – dans tout cet ensemble d’affairisme ?

    L’on pouvait en croiser encore quelques uns pour un dialogue au Café des Illustrateurs (créé, rappelons-le, par l’éditeur français Pierre Marchand), dans l’exposition des illustrateurs dont les vedettes étaient, en cette année 2008, les artistes de l’Argentine, pays d’hôte de la Fiera. Mais les français étaient rares.

    A l’extérieur de la Foire, nombreuses cependant était encore, dans la ville, les conférences, débats et expositions organisés par les institutions culturelles.

     Décernant ses prix, le jury des Bologna Ragazzi Award, toujours sous la présidence du Professeur Faeti, de l’université de Bologne, en attirant cette fois l’attention sur l’éclectisme de la recherche conceptuelle dans les ouvrages présentés cette année, prouve, quand même, l’importance des liens à maintenir entre les créateurs et les professionnels dans la mise en valeur de la littérature pour l’enfance et la jeunesse.

     Il vaudrait mieux que le professionnels en tiennent compte.

 ( article paru dans le n°92 – mars 2008 – du bulletin du CRILJ )

 

Critique spécialisée en littérature pour l’enfance et la jeunesse, d’abord à Loisirs Jeunes, puis à l’agence de presse Aigles et dans de très nombreux journaux francophones, Janine Despinette, qui fut également chercheuse, apporta contributions et expertises dans de multiples instances universitaires et associatives. Membre de nombreux jurys littéraires et graphiques internationaux, elle crée, en 1970, le Prix Graphique Loisirs Jeunes et, en 1989, les Prix Octogones. A l’origine du CIELJ (Centre Internationale d’étude en littérature de jeunesse) en 1988, elle fut jusqu’à récemment une fidèle  administratrice du CRILJ.