Roald Dahl

 

    J’ai vu Roald Dahl deux fois dans ma vie.

    La première fois, j’avais 19 ans. Et comme je rêvais d’être comédienne, je ne m’intéressais absolument pas à Roald Dahl, mais à sa femme, l’actrice américaine Patricia Neal. Dahl, c’était une sorte de grande ombree à qui j’ai donné la main. Dahl ? Ah oui, l’écrivain.

    Mais la deuxième fois, plus de 25 ans plus tard, au mois de juin 1989, j’avais le cœur dans la gorge quand nous sommes arrivés à Gypay House de Heathrow avec Isabelle Furhman.

    Cette fois, c’était le maître que j’allais voir. Certainement le plus grand écrivian pour la jeunesse de son époque. Et précédé, il faut bien le dire, d’une solide réputation d’ogre et de croqueurs de journalistes tout cru.

    Alors, quand j’ai commencé l’interview en disant que j’allais lui poser quelques questions souvent posées pour les enfants, il m’a répondu du tac au tac : « Alors, pourquoi est-ce que j’écris des livres pour enfants ? C’est devenu une passion. Si vous pouvez apprendre aux enfants avant l’âge d’environ dix ans que les livres sont faciles, que les livres sont amusants, ils ont un immense avantage dans la vie. L’enfant qui devient un lecteur compétent pendant qu’il est encore jeune a un immense avantage sur l’enfant qui ne l’est pas. Et l’enfant qui ne l’est pas représente environ 80% des enfants, des enfants qui ne lisent tout simplement pas.

    Et c’est pour cela que j’essaye d’écrire des livres qui saisissent les enfants à la gorge et qu’ils ne peuvent pas lâcher. Ce qu’ils contiennent n’a aucune importance. Leur contenu ne leur servira à rien plus tard dans la vie. La chose la plus importante, c’est qu’ils se disent à la fin : « Quel livre merveilleux ! J’adore les livres. » Essayant vraiment d’être un enfant au lieu de se dire : « Je sais comment les enfants parlent. »

    Vous devez retourner en arrière, à l’époque où vous êtiez entourés pas les géants. Ce dont les gens ne se rendent pas compte – et les écrivains pour la jeunesse – c’est que, pendant l’enfance, vous êtes entourés par l’ennemi.

    Chaque adulte est votre ennemi car dès l’instant de votre naissance jusqu’à l’âge d’environ dix ans, ils sont en train de vous civiliser. Ils vous empêchent de manger avec les doigts, ils vous empêchent de pisser par terre, tout ce dont vous avez envie de faire, ils vous en empêchent.

    Si vous voulez que les enfants aiment les livres, vous n’essayez pas de leur apprendre quoi que ce soit, vous leur donnez ce qu’il aiment.

    Sacrées Sorcières, par exemple, les enfants adorent avoir peur. Mais je reçois des lettres de parents, de mamans surtout, me suppliant de dire à leurs enfants que le livre n’est pas vrai …

    Je me souviens de l’époque où j’écrivais le BGG. Je racontais l’histoire à mes enfants, je n’avais pas encore commencé à l’écrire. Alors, le soir, je sortais de la maison, je prenais une échelle et je montais à la chambre des enfants. Mon visage apparaissait à la fenêtre et je faisait semblant d’être le BGG. Ils hurlaient ! Ils adoraient ça. »

    Les deux auteurs préférés de Roald Dahl, ex aequo, sont Hemingway et Dickens. Dahl pense que Hemingway est le plus grand maître de la prose malgré le fait qu’il ne soit plus à la mode. Et pour Hemingway – que Dahl a bien connu pendant la guerre et plus tard – le modèle absolu, c’était Madame Bovary …

    En parlant de qualités humaines avec Roald Dahl, on arrive inévitablement au thème de la persévérance. Un de ses thèmes clefs :

    « Dans la vie, il faut savoir continuer, ne pas abandonner, « sticking at it », « stiff upper lip ». C’est plus que de la persévérance. Si votre femme meurt, ou si vos enfants sont tués, vous devez continuer, ne pas vous laissez aller, remonter vos chaussettes et continuer. Certains s’écroulent : « Je n’en peux plus. » Je n’aime pas ça. Il faut savoir aller de l’avant. » Et Dahl m’explique les dents arrachées de la femme de son jardinier, au lit pendant deux jours, et son mépris : « She’a wimpy ».

    Roald Dahl est mort le 23 novembre dernier. Le lendemain matin, un samedi, des enfants se trouvaient dans un théâtre à Londres pour écouter un poète. Ce dernier s’est adressé aux enfants en disant que, normalement, on demande une minute de silence quand quelqu’un meurt. Mais qu’avec Roald Dahl, cela ne lui semblait pas vraiment approprié. Alors, il a demandé aux enfants trois hip-hip-hourra. Ils ont crié à tue-tête.

    Le plus bel hommage qu’on pouvait offrir au géant qu’il était au sens propre comme au sens figuré.

( texte paru dans le n° 41 – octobre 1991 – du bulletin du CRILJ )

 

Le célébrissime écrivain Roald Dahl est né en 1916, dans le Pays de Galles. Il n’aima pas l’école. Pilote de chasse pendant la dernière guerre, il publia, pour les adultes dès 1941 et se tourna délibérément vers les enfants à partir de 1960. Quelques titres parmi les mieux connus : Charlie et la chocolaterie, James et la grosse pêche, Les deux gredins, Matilda. « Je suis probablement plus heureux avec mes livres pour enfants qu’avec mes nouvelles pour adultes, mais les livres destinés aux enfants sont plus difficiles à écrire. »

 

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Huguette Pirotte

                

      Le 13 septembre 1983 mourait subitement Huguette Pirotte.

      Dans une classe de CM2 d’une école d’Ivry où je l’accompagnais un jour, pour un entretien à propos du Perroquet d’Américo, un enfant, après bien des questions auxquelles Huguette Pirotte avait répondu avec autant de chaleur que de sérieux, demanda soudain : « Et Christophe Colomb, lui, vous l’avez connu ? » Personne ne rit tant il paraissait évident à chacun qu’elle avait entretenu des relations suivies avec tous les personnages de son toman pour les connaître si intimement.

       Cette force de conviction soutenue par une grande probité intellectuelle, Huguette Pirotte la devait à sa double formation d’historienne et de journaliste mise au service de son besoin de partager ses « coups de foudre pour une époque ou un personnage » et ses indignations contre les scandales de notre temps.

      Le premier ouvrage qu’elle fait paraître aux Editions Latines, Mémoire d’Aliénor, vise le public des adultes. C’est une biographie d’Aliénor d’Aquitaine, résultat de trois ans de travail. « J »ai tellement aimé ce personnage que, sans l’avoir prémédité, j’ai écrit « je ». Ce sont des mémoires apocryphes ! C’est vous dire combien je suis dans la peau du personnage !

      Dans cette veine historique, pour les enfants et pour les jeunes, elle écrit successivement des romans : Le rubis du roi lépreux, histoire de la croisade populaire lancée par Beaudoin IV à travers les aventures d’un jeune garçon ; Le perroquet d’Américo, récit de voyage d’un adolescent portugais à bord de la caravelle d’Americo Vespucci. Puis elle renoue avec les biographies pour Richard Cœur de Lion, Georges Sand et Elisabeth 1ière d’Angleterre qui parait ces jours-ci. 

      Elle se souvient de ses années de reportage pour démonter le mécanisme de « fabrication » d’une championne dans L’espoir de la Combe Folle, critiquer un certain style de journalistes qui ne répugnent guère à violer la vie privée des gens dans Flash sur un reporter, dénoncer le génocide organisé des Indiens du Brésil dans L’enfer des orchidées ou l’exploitation des indigènes de Nouvelle Guinée dans Cargo des papous.

      Huguette Pirotte aimait dire que, quoique n’ayant jamais enseigné, elle avait une fibre pédagogique. Elle se qualifiait elle-même de « VRP de la littérature de jeunesse », n’hésitait jamais à sillonner la France pour, dans les bibliothèques et les écoles, aller à la rencontre de ses lecteurs.

      Les observations qu’elle avait pu faire au cours de ses nombreux voyages en Europe, dans le Proche-Orient, en Afrique du Nord et, plus récemment, en Afrique du Sud, lui avait fourni la matère des émissions qu’elle avait produite pour FR3 sous le titre Les enfants d’ailleurs. Ce n’est pas sans émotion qu’on regardera l’une d’entre elles programmée à Noël prochain.

      En dix-neuf ans de carrière littéraire, Huhette Pirotte n’a suscité que de la sympathie pour sa personne, pour son œuvre, pour son activité. Elle n’avait que des amis, petits et grands, fort nombreux, qui la regrettent infiniment.

( texte paru dans le n° 22 – 15 février 1984 – du bulletin du CRILJ )

 

 Née à Beaugency (Loiret) en 1924, historienne de formation, Huguette Pirotte fut documentaliste, enseignante, journaliste et productrice à la télévision. Parmi ses ouvrages pour la jeunesse : Le perroquet d’Americo (Bibliothèque de l’Amitié 1968), L’enfer des orchidés (Duculot 1972), Flash sur un reporter (Bibliothèque de l’Amitié 1978). « Par profession et par plaisir, j’ai circulé en Europe, dans le Proche-Orient, en Afrique du Nord, en Amérique du Sud et au Mexique. Le présent ne me fascine pas moins que le passé et je puisse mes sujets aussi volontiers sans l’actualité la plus récente que dans l’histoire. »

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Michel Bourrelier

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     Michel Bourrelier (1900-1983) est mort fin mars. Avec lui disparait une aventure dans la littérature de jeunesse. Avec ses quatre collections, « La joie de connaître » pour les documentaires, « Marjolaine », « Primevère » et, plus tard, « L’alouette » pour la fiction, les éditions Bourrelier, créées en 1931, ont aidé au renouveau de la littérature pour la jeunesse.

      La création du Prix Jeunesse en 1934 contribue à cette renaissance. Le but de ce prix est de « donner un nouvel essor à la littérature pour les enfants de langue française ». Il est décerné sur manuscrit. L’ouvrage couronné doit s’adresser à des enfants de sept ans à quatorze ans, aucun genre n’est imposé et il est publié. Le jury est présidé par Paul Hazard, professeur au Collège de France, auteur de Des livres, des enfants et des hommes. Il comprend des enseignants, des bibliothécaires, des écrivains, comme Georges Duhamel, Paul Fort, Simone Ratel, Marcelle Tinayre et Charles Vildrac. Plus tard viendront Claude Aveline, Maurice Genevoix, Paul Vialar. Mathilde Leriche, bibliothécaire à l’Heure Joyeuse et lectrice des coillections Bourrelier, en est la secrétaire et la cheville ouvrière. La première année, le jury met en lumière quatre manuscrits qui sont publiés : Pimprenelle et Mafouinette de Marcelle Vérité, Royaume des fleurs de Maurice Carême, Quatre du cours moyen de Léonce Bourliaguet, Olaf et Gertie d’Eillen Lombard.

      Avant la guerre, Marie Colmont pour Rossignol des neiges, Georges Nigremont pour Jeantou le maçon creusois et Colette Vivier pour La maison des petits bonheurs recevront ce prix. De 1945 à 1965, pendant 20 ans, les lauréats dont Alice Piguet, Léone Malher, René Guillot, Louis Delluc, Andrée Clair, Pierre Gamarra, May d’Alençon vont, pour la plupart, commencer une carrière dans la littérature pour la jeunesse. Le choix est varié : contes, romans d’aventures, historiques ou policiers, histoires d’enfants et d’animaux. Les grands sujets sont abordés comme le travail et le racisme.

      Dans les trois collections de fiction, Michel Bourrelier va publier surtout des œuvres d’écrivains français comme Renée Aurembou, Marianne Monestier, Marie Mauron et Charles Vildrac, mais aussi quelques traductions de romans étrangers, par exemple Charles Dickens (Les aventures de Mr Pickwick), Erich Kaestner (Petit point et ses amis), Alberto Manzi (Isa, fille de la forêt), Colin Sheperd (On demande une maman), etc.

      Pour la collection « La joie de connaitre », Michel Bourelllier fait appel à des spécialistes sérieux, qui savent vulgariser leurs connaissances et leurs expériences, aussi bien en sciences sociales, sciences pures et appliquées que dans le langage, les voyages et l’histoire. En voici quelques noms : René Clozier, Paul Coudère, Albert Dauzat, André Demaison, Robert Gessain, Henri Grimal, Luce Langevin, Pierre de Latil, André Leroi-Gourhan, Alfred Métraux, Pierre Valléry-Radot.

      A côté de son action pour le renouveau de la littérature de jeunesse, Michel Bourrelier s’est intéressé avec beaucoup de constance à la poésie. Il était un grand lecteur des poètes. Il a publié dans plusieurs collections, « Images premières », « Heures enchantées » , des recueils de poèmes et de comptines pour les jeunes dont Arc en fleurs, Pin Pon d’Or, La poèmeraie et La ronde extrait des Ballades de Paul Fort. Une collection « Recueils de chansons » complète cette action, ainsi que, pour le théâtre, une collection théatrale pour les jeunes où furent publiés de courtes pièces et des ouvrages sur le théâtre pour la jeunesse, les marionnettes, les décors, etc.

      Pour les bibliothécaires de jeunesse, deux livres importants sont sortis de cette maison d’édition : Beaux livres, belles histoires (1937) de Marguerite Gruny et Mathilde Leriche, On raconte (1956) de Mathilde Leriche.

      Michel Bourellier fut un propagandiste des méthodes actives dans l’enseignement du premier degré avec ses collections « Carnets de pédagogie moderne pour l’enseignement primaire », « Carnets de pédagogie pratique » « Carnets d’éducation physique et de sports ». Et, par la fondation et la publication de deux revues, « Méthodes actives », revue pratique de pédagogie pour l’enseignement du premier degré, et « L’école maternelle française » pour les écoles maternelles, classes enfantines, jardins d’enfants et cours préparatoire, il apporte aux instituteurs et éducateurs une aide indispensable pour leur combat dans le changement des enseignements.

      Il fut aussi un éditeur scolaire. Et, dans les manuels pour le primaire publiés par sa maison, il voulut offrir aux enfants l’envie d’aller plus loin dans toutes les disciplines. Il  proposa ainsi des livres de lecture courante avec un texte suivi comme les deux récits L’île rose et La colonie de Charles Vildrac. Il édita aussi du matériel scolaire comme « Images du beau » (cartes postales et tableaux), des jeux, etc.

      Pour faciliter la recherche aux enseignants, il installa, rue Saint-Placide, un Centre de Documentation Jeunesse où le public trouvait des ouvrages concernant l’enseignement, les bibliothèques d’enfants, l’éducation physique, le chant, les travaux manuels ainsi que matériel scolaire.

      Il ne faut pas oublier qu’il fut membre fondateur de l’Association pour le Développement de la Lecture Publique (ADLP) en 1937. Il fonda, en 1945, avec d’autres éditeurs l’association « Pour le livre », dont il fut le président en vue « d’étudier en commun les réformes à réaliser et les actions à mener auprès des pouvoirs publics, afin de faire triompher les idées nouvelles qui sont les leurs ».

      En 1963, les éditions Bourrelier fusionnent avec la librairie Armand Colin et continuent dans ce cadre leur action. Mais, hélas, les collections de littérature pour la jeunesse vont cesser. Le Prix Jeunesse sera repris, en 1968, par les Editions de l’Amitié, pour 4 ans.

      Paul Hazard disait de Michel Bourrelier et de leur première entrevue : « J’étais dans mon bureau, j’attendais un étudiant et ce fut un éditeur qui entra ». Et, pour moi qui l’ait connu plus tard, il était toujours un éditeur, mais la jeunesse, l’enthousiasme, la gentillesse, le goût des idées nouvelles et l’attention postée aux opinions des autres étaient toujours là. Je me souviens de son art pour faciliter le choix et aplanir les divergences, et sa participation à la gaieté du jury quelquefois dissipée après le travail.

( texte paru dans le n° 20 – 15 juin 1983 – du bulletin du CRILJ )

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En 1963, peu après la fusion des éditions Bourrelier avec la librairie Armand Colin, Michel Bourrelier rappelait : « Le Prix Jeunesse est l’ancêtre des prix de littérature pour les enfants. C’est en novembre 1933 que j’ai fait les premières démarches en vue de la constitution de son jury. J’ai obtenu l’accord enthousiaste d’écrivains, de bibliothécaires, d’éducateurs et aussi de poètes dès que je leur eus exposé mon projet. »

 

Gianni Rodari

Gianni Rodari n’est plus. Il était né à Novare en 1920. Si sa réputation avait largement dépassé les frontières de l’Italie, il n’a été pendant très longtemps connu que des spécialistes.

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      Écrivain pour la jeunesse, lauréat de la médaille Hans Christian Andersen en 1970, il devait peut-être la diversité de son talent à sa double formation d’instituteur et de journaliste mêlé à l’activité de la presse romaine, au mouvement des idées, à tout ce qui a bougé en Italie depuis qu’il a atteint l’âge d’homme.

      Nous pouvons apprécier son humour, son sens de ce qui accroche les enfants, sa volonté d’inscrire le merveilleux dans le monde moderne. Les jeunes lecteurs français ont apprécié Tous les soirs au téléphone, Jip dans le téléviseur (Éditions La Farandole), La tarte volante, La flèche d’Azur (Éditions Hachette).

      On fera un sort particulier à Histoires à la courte paille (Éditions Hachette) dans la mesure où ces textes font la liaison directe avec les préoccupations théoriques de l’auteur telles qu’il nous le révèle sa Grammaire de l’imagination parue aux Éditeurs Français Réunis, véritable essai sur les moyens pratiques de développer l’imaginaire chez les jeunes. Ce dernier ouvrage montre bien, comme les nombreux articles ou interventions de Gianni Rodari, combien sa réflexion s’inscrivait dans une approche théorique et pratique à la fois de la littérature de jeunesse.

      En ce sens, la littérature pour la jeunesse italienne et mondiale perd avec un auteur de grand talent un des trop rares écrivains penchés sur la genèse des œuvres.

 ( texte paru dans le n° 12 – juin 1980 – du bulletin du CRILJ )

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Gianni Rodari nait en octobre 1920 près du lac d’Orta. Son dévouement et son aptitude aux études lui valent d’obtenir son diplôme d’instituteur à l’âge de 17 ans. Après la guerre, il est engagé par le quotidien L’Unità en tant que chroniqueur puis comme envoyé spécial. Il se met à écrire des contes pour enfants. En 1950, il prend la direction de l’hebdomadaire pour enfants Il Pioniere. De nouveau à L’Unita, il concrétise, en 1958, le choix de sa vie : écrire des livres pour les enfants tout en travaillant en tant que journaliste politique « sans appartenance ». Lorsqu’il ne publiera plus de livres, Gianni Rodari se consacrera à une collaboration importante avec les enfants : discussions dans les classes, ateliers d’écriture, etc. Sa Grammaire de l’imagination est disponible aux éditions Rue du Monde.

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Colette Vivier

par Raoul Dubois

 

      Comme elle avait vécu, avec une grande discrétion, Colette Vivier s’est éteinte en ce mois de septembre qui voit les nouveautés des éditeurs affluer dans les librairies et sur les tables des critiques.

      Ce ne sera pas un événement du monde littéraire, l’œuvre de Colette Vivier ne doit rien aux tapages publicitaires et aux scandales de l’insolite. La vieille dame qu’elle était devenue avec ses 80 ans ne faisait l’étalage ni de ses livres ni de ses activités de résistante. Elle avait fait ce qu’il fallait faire dans les activités de son choix.

     Nous garderons un souvenir ébloui de ces après-midi passés avec elle auprès d’enfants d’une classe de 6ième découvrant à la fois la réalité de son œuvre et la luminosité de sa présence. Nous la revoyons disant à une petite fille émerveillée : “Mais voyons ! Aline (son héroîne de La maison des petits bonheurs), c’est moi, mais c’est aussi toi.”

      Colette Vivier portait témoignage d’un renouveau de la littérature enfantine française qui, avec Charles Vildrac et elle-même, s’arrachait à la routine pour retrouver son véritable souffle : vie quotidienne, langage quotidien, soucis quotidiens, héros sortis des forces même de la population et saisis dans la richesse de leurs vies, de leurs espoirs, de leurs rêves, de leurs luttes aussi. Une idée de la famille qui évolue, la place des femmes qui se fait un peu plus importante, des petites filles des milieux modestes qui réfléchissent et qui ont des idées.

      Colette Vivier parlait juste à un moment où le ton des livres restait loin de la réalité de la langue, juste sans démagogie, sans concession à la vulgarité, sans décalque du langage parlé.

      A quarante années de distance, La maison des petits bonheurs séduit encore les jeunes lecteurs. Et si c’était un des classiques de notre littéraure de jeunesse qui vient de disparaitre ?

      Tous ses lecteurs, tous ses amis la saluent comme une présence très chère et permanente.

 ( texte paru dans le n° 10 – octobre 1979 – du bulletin du CRILJ )

 

Colette Vivier est née à Paris en 1898. Premiers textes en 1932 destinés à apprendre le français à des enfants allemands. Elle rencontre son premier grand succès en 1939 avec La maison des petits bonheurs qui recevra le Prix Jeunesse. Dans les années 1940, elle écrit pour L’almanach du gai savoir que publie Gallimard. Pendant la guerre, elle appartient au réseau du Musée de l’Homme, expérience qu’elle racontera dans La maison aux quatre vents. Colette Vivier excelle dans la description du monde ouvrier qu’elle met souvent en scène dans ses récits. Elle est aujourd’hui considérée comme un écrivain important dans l’histoire du renouveau du roman pour la jeunesse.

        

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