Evénement mondial annuel numéro un dans le domaine de la littérature pour la jeunesse, la Foire du Livre pour Enfants vient d’ouvrir ses portes, pour sa vingt-deuxième édition, dans les modernes installations d’exposition de Bologne. Durant quatre jours, ce rendez-vous rassemble les éditeurs et spécialistes de littérature enfantine avant tout, mais également de livres scolaires, de bandes dessinées et, cette année, d’informatique éducative.
S’il existe aujours’hui de par le monde plus d’une dizaine de très importantes foires internationales du livre, le Salon du Livre de Paris (en mars-avril) et, surtout, le Foire de Francfort (en octobre) étant les plus essentielles en Europe, la Foire de Bologne est la seule, à l’échelle planétaire, à se consacrer exclusivement à l’édition pour enfants et adolescents. Cette importance s’observe immédiatement dans les chiffres : 1007 éditeurs-exposants, issus de 53 pays ; 13000 mètres carrés de surface d’exposition ; 14826 visiteurs en 1984. En fait, Bologne est le seul endroit où le chaland peut découvrir simultanément les derniers livres anglais, japonais, hongrois, de Lausanne ou de Singapour, et cotôyer le « gratin et la plèbe » de la profession.
Les fonctions d’une foire
Caractéristique immédiatement sensible pour le visiteur, cette foire est une affaire de professionnels pour d’autres professionnels, ceci à deux niveaux. C’est d’abord le va-et-vient incessant des responsables littéraires et directeurs commerciaux d’un stand à l’autre. C’est à Bologne au printemps et à Francfort à l’automne que « se fait » commercialement parlant l’édition jeunesse. L’un des phénomènes actuels de celle-ci est en effet une internationalisation forcenée, qui permet d’abaisser sensiblement les coûts de production et qui voit classiques, auteurs reconnus et démarches originales se publier successivement dans de multiples langues ou se coéditer simultanément par-delà les océans. Chaque année voit ainsi des courants et des modes nouveaux se dessiner.
Deuxième aspect : une telle manifestation constitue un mouvement de valse continu pour cartables. La foule quasi anonymes des illustrateurs qui ne veulent plus l’être court inlassablement stands et officines de spécialistes pour décrocher le contrat nourricier. Rude tâche, le plus souvent ingate et vaine, à laquelle ne sacrifient plus les « vedettes de l’artistic society » également présente en nombre. Poignées de mains, signatures, adresses et tuyaux s’échangent à la vitesse grand V et la caravane des non-initiés passe…
Des expositions
1985, promu Année de la Jeunesse a occasionné la modification de l’exposition d’illustrateurs. Un concours a été organisé par la Foire, l’ONU et l’UNICEF. 651 illustrateurs de 28 pays y ont participé en proposant un projet d’affiche de l’année. 55 ont été sélectionnés pour l’exposition et le vainqueur, l’allemand Fred Münzmaler, verra bientôt son affiche répandue sur les cinq continents comme symbole officielle de ce thème.
Une autre exposition traditionnelle, beaucoup moins développée mais largement fréquentée, est consacré à un aspect structurel de la bande dessinée.
Enfin, dans un secteur réservé chaque année à une région particulière du globe, c’est la collection Kerlan de l’Université du Minnesota, le plus riche agglomérat des USA en matériel figuratif, manuscrits, art populaire, constituant la part créative pour la jeunesse d’un groupe ethnique particulier, qui prendra la place admirablement occupée en 1984 par une expositon d’illustrateurs latino-américains.
L’assaut de l’informatique
S’ouvrant à une réflexion sur un thème parallèle à l’édition, la Foire de Bologne répond, pour la troisième année consécutive, au succès envahissant de l’informatique. Après le titre provocateur Les jeunes et l’ordinateur, un défi pour les éditeurs, un pas semble cette fois franchi vers de nouvelles possibilités d’échanges culturels et économiques avec un programme en trois volets.
Multinationales et formes performantes du hardware et sofware seront largement représentée dans l’exposition Education et Informatique. Industriels, scientifiques et délégués du monde entier prendront part à un important séminaire centré sur La société de la connaissance et les nouvelles technologies de l’information alors qu’une conférence réunira les plus éminents chercheurs occidentaux afin d’argumenter sur les différents systèmes, projets, instruments et technologies pour l’éducation du futur. Cette ampleur prouve bien la ferme intention du monde éditorial de ne pas manquer le départ de la course technologique. Certaines grandes maisons françaises, italiennes et américaines sont d’ailleurs déjà concrètement présentes dans ce marché, conscientes qu’il s’y joue une partie vitale.
( texte paru dans le n° 25 – mai 1985 – du bulletin du CRILJ )
Né en 1958, Olivier Maradan a travaillé dans le domaine de la promotion de la lecture et de la littérature de jeunesse durant les années quatre-vingt et jusqu’au milieu de la décennie suivante. Il a été en Suisse l’un des fondateurs d’AROLE, l’association romande de littérature pour l’enfance et la jeunesse, construite sur le modèle du CRILJ, et durant une décennie l’un des organisateurs des fameuses Journées d’AROLE, séminaire bisannuel de formation et d’échanges. Ses travaux ont surtout porté sur la transmission du goût de lire, dans le cadre de la formation des enseignants, des bibliothécaires et des parents. Il a tenu durant douze ans une chronique hebdomadaire de présentation de nouveautés éditoriales et de manifestations internationales en littérature de jeunesse pour un quotidien de Fribourg et a siégé dans plusieurs jurys en Suisse, en France et en Italie. Depuis 1996, ses responsabilités professionnelles dans l’éducation l’ont éloigné du domaine éditorial. Il est actuellement secrétaire général adjoint de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique et responsable de l’harmonisation de la scolarité obligatoire en Suisse.