La création en 1955 de la maison d’édition La Farandole émane vraisemblablement d’une décision des instances du Parti communiste français et fut réalisée grâce à l’apport de capitaux de particuliers. Il s’agissait vraisemblablement d’adhérents qui apportaient ainsi leur soutien à l’initiative du Secrétariat général. La direction de la maison d’édition fut alors confiée à deux adhérentes du Parti qui présentaient les « garanties technico-politiques » souhaitées. Le Parti compléta sans doute par ce biais son appareil éditorial mais ne semble pas avoir imposé une quelconque ligne éditoriale au tandem formé par Madeleine Gilard, « directrice de collection », et Paulette Michel, au rôle plus administratif.
Néanmoins, s’il ne semble pas avoir interféré sur le projet éditorial de la Farandole autrement que par une commune idéologie, il permit à La Farandole d’établir des partenariats avec ses organismes de diffusion : le Centre de Diffusion du Livre et de la Presse et Odéon diffusion et, peut-être, l’Agence Littéraire Artistique Parisienne …
L’originalité de La Farandole réside dans son choix de proposer, bien avant les autres éditeurs, des ouvrages ouverts sur la vie sociale, l’histoire et les cultures étrangères. C’est une particularité qui procura son identité à la Farandole et qu’elle développa tout au long la période que nous avons étudiée. Elle sut, en partie grâce à l’impulsion de Régine Lilensten, faire de mai 1968 un tremplin pour en renforcer l’importance et aborder des sujets jusque là tabous.
Pour faire aboutir cette volonté d’ouverture, elle s’entoura, dès ses débuts, d’auteurs et illustrateurs aptes à offrir ces perspectives aux lecteurs tout en faisant preuve de grandes qualités littéraires et picturales, voire artistiques. Au fil des ans leur nombre s’accrut et leurs horizons se diversifièrent, notamment grâce aux nombreuses traductions et aux coéditions que La Farandole mit en place avec des confrères (surtout du bloc de l’Est) à partir des années soixante.
La constance de cette recherche de qualité prévalant sur une augmentation de sa rentabilité, La Farandole prit souvent le risque de publier de jeunes auteurs ou illustrateurs qui furent par la suite reconnus et acquirent une renommée importance dans le domaine de la littérature pour la jeunesse.
Ce sont ces caractéristiques qui, à notre sens, permirent à La Farandole de s’implanter avec succès dans le paysage éditorial.
Sa création prit pourtant place dans un contexte peu favorable aux nouvelles entreprises. De plus La Farandole choisit de dédier son activité uniquement à la littérature pour la jeunesse alors que la majorité des publications était réalisée par des départements ou secteurs de maisons d’édition généralistes ou scolaires qui pouvaient ainsi compenser d’éventuels échecs par le reste de leur production. Cependant la Farandole parvint à suffisamment se développer pour prendre l’ampleur et les statuts d’une société anonyme.
Dès lors sa place au sein du milieu éditorial ne cessa de se renforcer et la maison d’édition conquit de plus en plus de spécialistes, critiques, bibliothécaires et enseignants. Sans jamais être véritablement connue du grand public, La Farandole se vit gratifiée d’un certain nombre de reconnaissances littéraires : critiques, sélection de livres, prix Jean Macé, prix international Hans-Christian Andersen. À la fin de la période étudiée, elle était parvenue à asseoir sa place de « petite maison d’édition novatrice », notamment grâce à Régine Lilensten, directrice dès 1972, qui semble avoir intensifié la communication de La Farandole. Elle avait également réussi à développer les relations avec d’autres éditeurs français et à ouvrir un marché au Québec.
La Farandole était, à l’orée des années quatre-vingt, une petite maison d’édition bien implantée, certainement partisane mais pas propagandiste. Sans conteste, elle avait bénéficié du soutien du Parti communiste, de ses organes et de ses militants mais avait su s’implanter grâce au projet éditorial défini et mené par Paulette Michel et Madeleine Gilard. Elle avait d’autre part assis cette place grâce à une certaine professionnalisation de son activité et une redynamisation opérées par Régine Lilensten.
Non déficitaire, elle fut cependant incorporée au groupe Messidor, pendant communiste des groupes capitalistes qui se constituèrent à la même époque et transformèrent l’édition française.
Toutefois, le Parti communiste vécut une crise qui s’aggrava au cours des années quatre-vingt et dont le groupe Messidor pâtit, en plus d’essuyer des revers économiques. Faillitaire en 1992, Messidor fut racheté par le groupe Scandéditions qui fut lui-même mis en liquidation judiciaire en 1994. Une étude de l’histoire de la Farandole au cours de cette période permettrait de déterminer comment un tel contexte influa sur la gestion, la production et les lignes éditoriales de la maison d’édition ; si celles-ci furent transformées et, le cas échéant, dans quelle mesure. Par ailleurs, un tel travail permettrait peut-être de mieux saisir les raisons qui ont rendues cette liquidation particulièrement conflictuelle, et font aujourd’hui de l’histoire de la maison d’édition un sujet d’amertume.
( conclusion du mémoire de Master 2 d’Histoire Contemporaine Histoire de la maison d’édition La Farandole, 1955-1982 – juin 2009 )
Née en 1985, Hélène Bonnefond effectue son cursus d’étudiante à l’université François Rabelais de Tours, avec le projet final de passer le concours de bibliothécaire territorial. Licence puis master d’histoire et, comme sujet de mémoire, sur une suggestion de Cécile Boulaire, maître de conférence en Littérature pour la jeunesse à l’université François Rabelais, Histoire de la maison d’édition La Farandole, 1955-1982. Travaillant actuellement comme assistante documentaliste dans un lycée professionnel, Hélène Bonnefond participe, à titre bénévole, aux activités de l’association tourangelle « Livre passerelle ». Elle hésite, pour les prochaines années, entre un travail de bibliothécaire, d’animateur en milieu scolaire et d’organisateur d’événements. Merci à elle pour nous avoir confié son mémoire.