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par Laurence Warot
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Toutes les enquêtes sur les lecteurs montrent que l’usage du livre n’a pas disparu avec la prépondérance actuelle de l’image et du son par la radio et la télévision, les vidéocassettes ou l’ordinateur.
Mais aujourd’hui, pour que l’usage du livre contribue réellement à la formation du plus grand nombre des enfants, des adolescents et des adultes, toute bibliothèque populaire ne peut plus se contenter de distribuer des livres. Elle doit susciter une animation attractive et formative autour du livre. Les temps ont bien changé.
Cette animation ne se borne pas à l’animation ordinaire, ignorante de la dynamique de la lecture. Il s’agit de créer en permanence une animation spécifique où la lecture à haute voix, les jeux de découvertes, les expositions d’images, les sorties thématiques, les manifestations sportives ou touristiques comme les rencontres avec des auteurs sont centrés sur l’éveil ou le désir et le développement de la capacité de lire.
Beaucoup de bibliothécaires sont forts en bibliothéconomie et c’est tant mieux. D’autres ont un goût utile des relations sociales, mais ils n’ont pas été formés à cette animation.
Les médiathèques se sont imposées avec l’air du temps. Mais le plus souvent elles sont centrées, avec leurs disques et leurs cassettes, sur l’image et le son.
Comment devient-on une animatrice de bibliothèques ? Mon exemple plutôt banal peut guider certaines vocations.
J’avais vingt ans. Plus que toute activité de loisir j’aimais passionnément lire et faire lire. J’ai eu la chance de rencontrer un mouvement d’éducation populaire qui organisait une école de deux ans pour former des animateurs de bibliothèque populaire J’ai suivi avec grand intérêt cette formation sanctionnée par un diplôme.
Au cours de la seconde année nous avons appris à travailler à la bibliothèque pilote de Clamart « La joie par les livres ». C’était un ensemble d’activités au cœur d’une cité populaire où habitaient de nombreux jeunes. En ce lieu accueillant, le livre à la main, on s’initiait à la culture des fleurs et des légumes. A côté, d’autres s’essayaient à cuisiner des recettes fournies par les livres de cuisine. Autour d’une cheminée c’était « l’heure du conte » pleine d’histoires de fées enchanteresses. A d’autres heures, c’étaient les nouvelles du monde qui étaient expliquées à la curiosité d’autres lecteurs.
J’ai appris ainsi à rendre le livre vivant pour des groupes variés dans des lieux variés qui élargissaient l’horizon de la bibliothèque. On transformait la bibliothèque elle-même. C’est dans cet esprit que j’ai pu lancer une bibliothèque municipale dans le sud de la France.
Pendant vingt années où j’ai habité cette région j’ai pu me perfectionner dans l’animation, l’art de faire vivre une bibliothèque, pour tous les âges et en toute condition sociale.
Ensuite, dans le Nord, j’ai pu agir ainsi dans une bibliothèque populaire avec des succès renouvelés auprès de lecteurs et lectrices souvent transformées mais cet art de l’animation n’est pas toujours compris et accepté par les bibliothécaires, plus économes de leur temps et de leur enthousiasme.
C’est vrai qu’il faut beaucoup de travail pour faire vivre des réseaux d’animation, pour trouver le temps d’écouter les lecteurs, de leur parler afin de faire partager un art de vivre avec le livre.
Il faut réveiller cette merveilleuse propriété qu’offre la lecture pour atténuer les chagrins, les peurs, les souffrances souvent silencieuses du quotidien. Un livre peut donner une émotion qui aide à vivre quand la vie en société devient difficile au point de nous écraser.La passion de la lecture peut aussi apporter la plus grande joie que je connaisse.
On comprend que certains administrateurs de bibliothèques puissent prendre peur. Mais une telle conception vivante de la maison du livre finit toujours par l’emporter.
Nous avons ainsi confiance. Comme me disait récemment un ami, on peut perdre une bataille, on n’a pas pour autant perdu la guerre.
(texte écrit en 1990 à la demande de Joffre Dumazedier, fondateur de Peuple et Culture)
Bac en poche et après une solide formation d’animatrice socioculturelle Peuple et Culture assurée par Joffre Dumazedier, Laurence Warot crée en 1973, à Ibos (Hautes-Pyrénées), sa première bibliothèque. Elle en créera également une à Saint Tropez (Var), en 1980, et à Essomes sur Marne (Aisne) en 1991. Responsable plusieurs années d’une bibliothèque de comité d »entreprise de la SNCF à Lille (Nord), elle fut également directrice de MJC, journaliste, directrice d’agence immobilière. Nombreuses activités bénévoles, notamment au Secours Populare. Merci à Laurence Warot pour nous avoir confié ce texte.