Nadèjda Garrel

 par Raymond Rener

     Quand je t’ai connue, en 1978, tu portais le prénom de Nadine et, par la suite, je le répétais. Tu me reprenais en me disant avec tes yeux malicieux, mais d’un ton impératif : « Je m’appelle Nadèjda. »

     Nadèjda, amie proche et lontaine …

 Lointaine

     En 1976, sortait ton best seller chez Gallimard Jeunesse, en Folio Junior, Au pays du grand condor, qui, chaque année, est encore vendu à 10 000 exemplaires, avec la couverture de Jean-Michel Nicollet et les illustrations intérieures de Bernard Héron.     Puis vinrent Les princes de l’exil, toujours en Folio Junior, illustré par Georges Lemoine.

     Tu as beaucoup écrit et bien écrit.

     Un de mes plus beaux souvenirs avec toi, cette rencontre avec les jeunes de la bibliothèque de Dijon à propos du Pays du grand condor. Eblouissant ! Je me souviens de la décoration et de la mise en scène théâtrale d’une séquence de ton livre joué par les jeunes acteurs.

     Et puis, avec tes livres, nous avons parcouru les salons, les manifestations, les débats, les signatures … Et ton chapeau cloche suivait.

     Nous n’avons jamais cessé de nous rencontrer et puis j’ai quitté Paris.

 Proche

     Thierry, ton mari, me dit m’avoir beaucoup cherché. Et pourtant, nous étions si proches, toi à Varengeville et moi à Rouen, dans le même département. Il n’a pu me prevenir qu’une semaine après l’acte final.

     Je me souviens de ton sourire, de ton visage si beau et si expressif, de tes exigences aussi, et toujours, je cédais. Tu disais de moi que j’étais le (petit) Prince de Gallimard Jeunesse. Pierre Marchand en était-il le roi ?

     Nadèdja, merci pour tout le bonheur que tu nous a apporté, par tes livres – et par toi.

( article paru dans le n°78 – octobre 2003 – du bulletin du CRILJ )

nadèjda garrel

Alors qu’elle est une amoureuse de la nature, Nadèjda Garrel est née (en 1939), a vécu et a écrit à Paris. Elle a fait de la danse, du théâtre et a publié très tôt deux romans. C’est avec Au pays du grand condor (1977) et Les Princes de l’exil (1984) qu’elle a eu accès à sa propre écriture en abolissant toute frontière entre le réel et l’imaginaire. Elle a découvert Varengeville à l’adolescence et avait juré de le faire découvrir à l’homme qu’elle aimerait. Cette liberté se retrouve dans tous ses romans, contes ou nouvelles qui s’adressent indifféremment aux jeunes et aux adultes, car la perfection dans son travail était sa seule préoccupation. Elle s’est éteinte dans la paix, dans sa petite maison du chemin de Pascaline à Varengeville et elle est enterré au cimetière marin. « Il y a des lectures qui sont comme des délivrances, parce qu’elles touchent au plus profond de nous-mêmes à ce qui est caché en nous et qui nous échappait. Elles font naître de nous une part restée invisible et qui nous est nécessaire pour élargir ce que nous sommes, vers d’autres bonheurs. Il y a des livres qui nous font changer de classe d’âge et les livres de Nadèjda Garrel furent pour moi de ceux-là. » (Yves Pinguilly)