Pierre Ménenteau vient de mourir dans sa quatre-vingt-septième année – mais sa poésie reste à jamais très jeune : elle est connue, aimée, récitée chaque jour par des enfants. Il n’appartient pas à la race des « poètes maudits », car il est de ces poètes heureux qui sont aimés des enfants.
Sa poèsie est marquée par une double fidélité : à l’enfance et à la nature des pays de l’ouest.
L’enfance, il l’a bien connue. D’abord parce qu’il était un ancien enfant, comme la plupart des gens, évidemment (mais lui ne l’avait pas oublié). Mais aussi parce qu’il a mené une carrière exemplaire d’enseignant, de directeur d’Ecole Normale, d’inspecteur primaire à Paris.
J’ai eu le privilède d’être un de ses administrés et jamais je n’ai rencontré un inspecteur aussi bienveilant (mais jamais dupe), aussi attentif à aider les enseignants, à aimer les enfants, aussi plein d’humour sur lui-même, son rôle, ses activités.
La nature, il l’a toujours passionnément aimé, bêtes et plantes qu’il connaissait toutes, paysages qu’il fréquentait. Ses fonctions l’obligeaient à vivre en ville – où, disait-il, il lui fallait tout de même la proche présence d’un arbre pour vivre.
Le poète
Ces deux thèmes fondamentaux se retouvent dans toute sa poèsie, dans les livres qu’il publia à l’intention de la jeunesse et dans ceux plus spécialement destinés aux lecteurs adultes. Les uns et les autres lui valurent de nombeux prix littéraires. Mais il ne tenait pas aux honneurs.
Certains de ses recueils furent destinés spécifiquement à l’enfance. Mais on voit bien pour quelles raisons sa poésie fut adoptée par les enfants. Ce fut non seulement grâce à l’esprit d’enfance qu’il avait su garder en lui (c’est à dire la fraicheur d’un émerveillement jamais émoussé devant la beauté du monde), mais aussi grâce à deux qualités fort rares dans la poésie contemporaine.
D’abord une transparence de ses poèmes qui n’a jamais été masquée sous une obscurité tellement à la mode. Cette transparence permet un accès immédiat à l’âme même du poète qu’il transmet par des mots. C’est l’essentiel de la poésie, on l’oublie trop aujourd’hui.
Ensuite, une musicalité de ses vers qui le rattache à la grande tradition de la poèsie française : une harmonie comme « naturelle » – le travail ne se voit jamais – qui fait chanter la langue par le rythme, les sonorités, les images.
Ses plus beaux poèmes sont d’une savante simplicité et leur richesse profonde – celle de l’homme qui les écrivit – leur permet de s’adresser aussi bien à l’enfant qu’à l’adulte.
C’est pourquoi bien de poèmes de Pierre Ménenteau sont devenus des « classiques » au sens propres ; ils sont présents dans les classes de nos écoles, dans les bibliothèques les plus vivantes.
L’homme était d’une modestie rare et d’une bonté peu commune – mais, disait-t-il plaisamment : « Cela me coûte ».
Une école porte déjà son nom en Vendée. Et ses poèmes vivent tous les jours par des voix d’enfants.
Né au Boupère (Vendée) en 1895, Pierre Menanteau eut un père instituteur et il est facile d’y voir là l’origine de sa carrière professionnelle. Poète, auteur de contes, il avait le goût des anthologies et des florilèges. Il fut critique littéraire, peintre et participa assidument au jury du Prix Jeunesse, Il entretint une correspondance avec Georges Duhamel, Jules Supervielle, Gaston Bachelard, Max Jacob, Maurice Fombeure, Tristan Klingsor, Maurice Carême. Attentif à la présence de la poésie à l’école, il publia Poésie et récitation chez Bourrelier en 1954. Son recueil Nouveau trésor de la poésie (Sudel, 1974) fut acheté dans de nombreuses écoles. Parmi ses textes pour la jeunesse, notons Les voyageuses sans billet, à la Farandole en 1965.