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par Janine Despinette
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Pierre Probst est mort le jeudi 12 avril 2007. Le dimanche 25 mars, eu Salon du livre de Paris, il signait encore ses albums à de nouveaux fans. Il avait 93 ans. Et l’on a pu découvrir dans chaque écho journalistique une nostalgie de sa propre enfance.
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Je ne sais si on enseigne dans les académies des Beaux Arts combien la connotation sociologique et topologique marque le style d’un illustrateur. Je ne sais si beaucoup de lecteurs prennent en compte cette co-notation graphique lorsque l’œuvre est traduite d’un pays à un autre ou rééditée après un long temps, mais, du point de vue de la critique, il apparait évident que si, à la création, une œuvre icono-textuelle a trouvé place par l’osmose de connivence implicite avec l’entourage et dans un contexte linguistique précis, c’est lorsqu’elle entrera en affinité visuelle avec le regard des lecteurs d’ailleurs qu’elle pourra échapper à la limite de sa temporalité.
Alors, j’ai longtemps considéré Caroline, créée par Pierre Probst pour Hachette, et Martine, créée par Gilbert Delahaye et Marcel Marlier pour Casterman, comme de l’imagerie distractive dont la présentation me semblait parfois à la limite du kitch, même si je reconnaissait à Pierre Probst et ou à Marcel Marlier un vrai talent de création et que j’admirais leur capacité à en renouveler les attraits au fil du temps.
Or, lors d’un voyage en plein cœur de l’Anatolie turque, visitant la Bibliothèque municipale d’Urgup, en découvrant les deux séries complètes sur les rayons, j’ai eu la singulière surprise d’apprendre que Caroline et Martine représentaient pour les petites filles et les jeunes femmes de là-bas leur exotisme français et qu’au-delà des péripéties des histoires, nos jeunes amis turques s’exerçaient à copier le charme désinvolte de Caroline ou lé préciosité sucrée de Martine. Et notre conversation, ensemble, portait bien sur l »esthétisme, mais féminine : chaque détail des attitudes, de la coiffure, des vêtements portés, reconnu comme made in France, était discuté, apprécié ou non. Détour inattendu de la lecture.
Les albums Caroline et Martine, outre en Turquie, sont en vente en Grèce, en Italie, en Espagne, dans les pays de langue arabe et de langur hébraïque, dans les pays franciscains, mais aussi dans les pays scandinaves et dans les pays du Commonweath comme au Japon. Bref, partout. Ces deux petites fille sont notre image de marque, le reflet de la féminité française et de la vie à la française, telles qu’en elles-mêmes les autres choisissent de nous voir.
( article paru dans le n°90 – juillet 2007 – du bulletin du CRILJ )
Critique spécialisée en littérature pour l’enfance et la jeunesse, d’abord à Loisirs Jeunes, puis à l’agence de presse Aigles et dans de très nombreux journaux francophones, Janine Despinette, qui fut également chercheuse, apporta contributions et expertises dans de multiples instances universitaires et associatives. Membre de nombreux jurys littéraires et graphiques internationaux, elle crée, en 1970, le Prix Graphique Loisirs Jeunes et, en 1989, les Prix Octogones. A l’origine du CIELJ (Centre Internationale d’étude en littérature de jeunesse) en 1988, elle fut très longtemps administratrice du CRILJ.